Le Temps - Le Temps Supplement

Des Chambres fédérales à la terre villageois­e

- ROBERT HABEL

Comme Cincinnatu­s, il retourne à sa charrue! Après seize ans au Conseil national sur les bancs de l’UDC, l’avocat genevois Yves Nidegger a décidé, à 66 ans, de se lancer dans la culture des champignon­s. Il a repris un domaine à Cartigny/GE qu’il a déjà commencé à exploiter avec son fils Jérôme.

Un changement de vie, un retour à la terre, une envie de nature et de vérité… Avocat et conseiller national UDC pendant seize ans, jusqu’à sa démission le 11 mai dernier à 17 heures, à l’instant même où il est redevenu député au Grand Conseil genevois, Yves Nidegger a décidé de laisser parler sa fibre verte et d’entamer une nouvelle carrière loin du monde ordonné et codifié du Parlement fédéral à Berne. Il a relancé la production de l’historique champignon­nière de Cartigny (1946), sur un domaine de trois hectares où il a commencé de produire et de commercial­iser des shiitake japonais et des pleurotes. Le nom de sa société: «Les Champignon­s de Cartigny». Cavalier émérite, il va aussi acheter un cheval pour parcourir la campagne environnan­te et prendre au quotidien de grands bains de nature. Il va enfin déménager son étude d’avocat dans son nouveau domaine!

«Cultiver la terre, choix stratégiqu­e»

«J’ai quitté le cénacle bernois pour me réenracine­r dans ma campagne genevoise, explique Yves Nidegger. Le monde est instable, on vit des temps qui s’annoncent troublés pour plusieurs décennies. Pour moi, cultiver la terre et produire localement est un choix stratégiqu­e. On est devenus dépendants des marchés étrangers, avec les risques sur nos approvisio­nnements, et nous devons absolument dynamiser la production indigène. Les champignon­s offrent une source de protéines non carnées, en proportion supérieure aux légumes».

C’est un peu par hasard, par l’intermédia­ire d’un client, que l’avocat genevois a découvert ce monde des champignon­s qu’il a trouvé tout de suite fascinant et qu’il maîtrise désormais de manière impression­nante. Il a proposé à son fils Jérôme, 34 ans, de se joindre à l’aventure et de travailler avec lui. Même si son parti, l’UDC, est considéré comme l’ennemi public numéro 1 des Verts, Yves Nidegger n’a jamais caché qu’il avait été très écolo à 20 ans et qu’il lui en était resté quelque chose. «J’ai manifesté contre la centrale nucléaire de Creys-Malville, je me suis pris des coups de matraque des CRS», apprend-on. C’est sans aucun doute son grand-père, Jules Nidegger, qui lui a donné ce sentiment et ce besoin de nature.

«Mon grand-père était un homme extraordin­aire, se souvient-il. Il a vécu jusqu’à 109

ans et il a été quelque temps l’homme le plus âgé de Suisse. Il fut un écologiste engagé, un vrai, vingt ans avant la récupérati­on politique de cette cause par la gauche. Il était prof de sciences naturelles au Collège d’Echallens/VD jusqu’à sa retraite en 1958 et a travaillé ensuite comme journalist­e: il était critique d’art, parlait des exposition­s de peinture et des concerts. Il a écrit son dernier article à 107 ans. La famille avait deux domaines en Gruyère, un à Semsales/FR, l’autre à Echarlens/FR. Enfant, je l’ai beaucoup accompagné. Passionné d’ornitholog­ie, il passait tous ses étés avec les vaches dans un chalet d’alpage pour dessiner. Il connaissai­t tout! C’était un esprit libre et audacieux. Je me rappelle qu’il était allé chercher des lynx en Yougoslavi­e. C’était encore l’époque de Tito. Il les avait lâchés clandestin­ement dans le parc national des Grisons, pour que la population de cerfs en forte croissance se régule d’une façon naturelle. Il passait aussi son temps à lancer des référendum­s contre les projets d’extension de l’aéroport de la Blécherett­e à Lausanne».

Convoqué à 106 ans

En l’an 1999, Jules Nidegger reçoit une lettre du Départemen­t de l’instructio­n publique, dont l’ordinateur s’est un peu emmêlé dans les zéros. Il est convoqué pour sa première année de scolarité obligatoir­e, puisqu’il a atteint l’âge de 6 ans. Le valeureux centenaire arrive donc à l’école, tout fringant, le jour de la rentrée des classes, avec sa convocatio­n à la main. La maîtresse d’école est la petite-fille de l’un de ses anciens élèves et elle lui dit qu’il peut rentrer à la maison…

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Yves Nidegger a relancé la production de l’historique champignon­nière de Cartigny, où il a commencé de produire et de commercial­iser des shiitake japonais et des pleurotes.

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