Le Temps - Le Temps Supplement
Gestion décentralisée, mode d’emploi
Avec la généralisation du télétravail, les entreprises se réorganisent. Un mode de gouvernance hybride s’instaure, en quête d’équilibre entre fédération des équipes et exibilité
Depuis l’explosion du télétravail à la suite de la crise du covid, les entreprises ont eu le temps de reconsidérer leur mode de collaboration. Horaires flexibles, retour au présentiel ou encore alternance entre le bureau et la maison; les managers semblent avoir exploré toutes les formules. Alors que certains employeurs n’ont pas hésité à instaurer le travail à distance à 100% ou presque, notamment pour diminuer leurs coûts, d’autres ont opté pour un modèle hybride, en privilégiant la présence des employés au bureau la majorité du temps. Un repositionnement qui, en termes de management, peut permere de (re)motiver ses troupes.
C’est en tout cas la vision et la stratégie de Marc Oehler, qui dirige Infomaniak. «De manière générale, je ne suis pas un grand adepte du télétravail à 100%. S’il est important de le proposer pour offrir une certaine flexibilité au sein de l’entreprise, le fait de se voir sur place reste le mode de collaboration le plus rapide et performant pour nous. On constate d’ailleurs que le télétravail est moins demandé que pendant la période covid. Aujourd’hui, nous proposons deux jours de travail à distance par semaine à nos employés, qu’ils peuvent déterminer euxmêmes selon les projets en cours et les jours de présence des autres collaborateurs.»
Levier de motivation
Si les managers et recruteurs reçoivent fréquemment des demandes prononcées en faveur du travail à distance de la part de candidats en quête de flexibilité, ce même aspect pourrait aussi devenir une source de démotivation s’il venait à trop se généraliser.
«Par rapport au télétravail, qui était la norme en période covid, la tendance s’est en effet inversée depuis, poursuit Marc Oehler. Je remarque que les collaborateurs n’ont plus envie de manquer ce qui se passe au bureau, qu’il s’agisse d’informations et de points clés abordés en réunion ou encore les interactions sociales qui s’y déroulent. Les locaux de l’entreprise doivent être un lieu stimulant, qui dope la motivation et opère une coupure nee entre vie privée et professionnelle. Trop de télétravail peut nuire à l’envie et à la fraîcheur des équipes en impactant les aspects sociaux de la collaboration, en particulier dans une
«Trop de télétravail peut nuire à l’envie et à la fraîcheur des équipes en impactant les aspects sociaux de la collaboration» MARC OEHLER, DIRECTEUR D’INFOMANIAK
époque marquée par une recherche de sens et d’interactions. Et à terme, travailler à distance peut inciter à délocaliser, meant ainsi en péril nos postes localement, et donc nos salaires.»
Chez Avanade, joint-venture entre Microso et Accenture, la flexibilité est mise en avant pour airer des profils prisés dans le
secteur du numérique. Télétravail quasiment illimité et jusqu’à trois mois de travail autorisé depuis l’étranger chaque année selon certaines conditions, tout est mis
en place pour offrir le cadre le plus souple. Pour Alexandre Munday, responsable intelligence artificielle et analyse de données pour la Suisse, rattaché à l’antenne
zurichoise du groupe, ce mode de collaboration permet de répondre aux attentes de la génération actuelle. En supervisant une équipe de dix consultants, il
jongle entre visioconférences, sauts au bureau et voyages, tout en s’efforçant de fédérer son équipe.
«Bénéficier d’une telle flexibilité représente un avantage certain, recherché par beaucoup de collaborateurs aujourd’hui. D’où le positionnement du groupe, qui a bien compris qu’un salaire compétitif n’est plus le seul aspect pris en compte par les employés. En matière de management, même si la majorité du travail s’effectue à distance, j’essaie toujours de maintenir un contact régulier en présentiel avec chaque membre de mon équipe en étant au moins un jour par semaine au bureau, et de nous rassembler tous au moins deux fois par an. Se voir en vrai reste le seul moyen de s’assurer que tout le monde va bien et que le moral est au beau fixe.»
Culture d’entreprise, ce lien à préserver
Parmi les défis du management à distance, l’adhésion des collaborateurs aux valeurs du groupe reste une question centrale. «Surtout quand on est amené à travailler sur un projet d’envergure pendant une longue période et que l’on est forcément un peu absorbé par la culture d’entreprise du client», ajoute Alexandre Munday.
Pour Infomaniak, le management à distance concerne par ailleurs la gestion de son antenne implantée à Winterthour depuis quelques années. Outre-Sarine, ce centre d’assistance assure le suivi des nouveaux clients alémaniques, où la PME observe sa plus forte croissance. «Il s’agit d’une petite équipe de cinq personnes, toutes germanophones, qu’il a fallu intégrer dans l’entreprise malgré la barrière géographique et culturelle qui les sépare de nos 230 collaborateurs présents à Genève, raconte Marc Oehler. Nous y sommes parvenus par l’intermédiaire de l’un des coresponsables du support technique romand qui, en raison de projets familiaux en Suisse alémanique, a pu prendre la direction de cee entité en y diffusant nos valeurs et notre vision, tout en faisant en sorte qu’elle se sente intégrée dans le groupe.»
Dans la pratique, ce mode de gouvernance à distance implique également de redimensionner les surfaces de travail. Un peu comme dans un espace de coworking, l’idée consiste à offrir des places libres aux collaborateurs qui viennent en présentiel, ordinateur portable sous le bras. «Nous avions déjà commencé à équiper ainsi nos collaborateurs deux ans avant l’apparition du covid, détaille Marc Oehler. Dans nos bureaux, les gens viennent et se placent librement dans des zones regroupant les postes qui doivent collaborer étroitement. En fin de compte, on remarque que la plupart des employés occupent souvent la même place, comme dans des bureaux classiques.»
Dans ces nouveaux contextes professionnels marqués par la recherche de flexibilité, le management doit encore souvent retrouver ses marques.