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Gestion décentrali­sée, mode d’emploi

Avec la généralisa­tion du télétravai­l, les entreprise­s se réorganise­nt. Un mode de gouvernanc­e hybride s’instaure, en quête d’équilibre entre fédération des équipes et exibilité

- THOMAS PFEFFERLÉ

Depuis l’explosion du télétravai­l à la suite de la crise du covid, les entreprise­s ont eu le temps de reconsidér­er leur mode de collaborat­ion. Horaires flexibles, retour au présentiel ou encore alternance entre le bureau et la maison; les managers semblent avoir exploré toutes les formules. Alors que certains employeurs n’ont pas hésité à instaurer le travail à distance à 100% ou presque, notamment pour diminuer leurs coûts, d’autres ont opté pour un modèle hybride, en privilégia­nt la présence des employés au bureau la majorité du temps. Un reposition­nement qui, en termes de management, peut permeƒre de (re)motiver ses troupes.

C’est en tout cas la vision et la stratégie de Marc Oehler, qui dirige Infomaniak. «De manière générale, je ne suis pas un grand adepte du télétravai­l à 100%. S’il est important de le proposer pour offrir une certaine flexibilit­é au sein de l’entreprise, le fait de se voir sur place reste le mode de collaborat­ion le plus rapide et performant pour nous. On constate d’ailleurs que le télétravai­l est moins demandé que pendant la période covid. Aujourd’hui, nous proposons deux jours de travail à distance par semaine à nos employés, qu’ils peuvent déterminer euxmêmes selon les projets en cours et les jours de présence des autres collaborat­eurs.»

Levier de motivation

Si les managers et recruteurs reçoivent fréquemmen­t des demandes prononcées en faveur du travail à distance de la part de candidats en quête de flexibilit­é, ce même aspect pourrait aussi devenir une source de démotivati­on s’il venait à trop se généralise­r.

«Par rapport au télétravai­l, qui était la norme en période covid, la tendance s’est en effet inversée depuis, poursuit Marc Oehler. Je remarque que les collaborat­eurs n’ont plus envie de manquer ce qui se passe au bureau, qu’il s’agisse d’informatio­ns et de points clés abordés en réunion ou encore les interactio­ns sociales qui s’y déroulent. Les locaux de l’entreprise doivent être un lieu stimulant, qui dope la motivation et opère une coupure neƒe entre vie privée et profession­nelle. Trop de télétravai­l peut nuire à l’envie et à la fraîcheur des équipes en impactant les aspects sociaux de la collaborat­ion, en particulie­r dans une

«Trop de télétravai­l peut nuire à l’envie et à la fraîcheur des équipes en impactant les aspects sociaux de la collaborat­ion» MARC OEHLER, DIRECTEUR D’INFOMANIAK

époque marquée par une recherche de sens et d’interactio­ns. Et à terme, travailler à distance peut inciter à délocalise­r, meƒant ainsi en péril nos postes localement, et donc nos salaires.»

Chez Avanade, joint-venture entre Microso› et Accenture, la flexibilit­é est mise en avant pour aƒirer des profils prisés dans le

secteur du numérique. Télétravai­l quasiment illimité et jusqu’à trois mois de travail autorisé depuis l’étranger chaque année selon certaines conditions, tout est mis

en place pour offrir le cadre le plus souple. Pour Alexandre Munday, responsabl­e intelligen­ce artificiel­le et analyse de données pour la Suisse, rattaché à l’antenne

zurichoise du groupe, ce mode de collaborat­ion permet de répondre aux attentes de la génération actuelle. En supervisan­t une équipe de dix consultant­s, il

jongle entre visioconfé­rences, sauts au bureau et voyages, tout en s’efforçant de fédérer son équipe.

«Bénéficier d’une telle flexibilit­é représente un avantage certain, recherché par beaucoup de collaborat­eurs aujourd’hui. D’où le positionne­ment du groupe, qui a bien compris qu’un salaire compétitif n’est plus le seul aspect pris en compte par les employés. En matière de management, même si la majorité du travail s’effectue à distance, j’essaie toujours de maintenir un contact régulier en présentiel avec chaque membre de mon équipe en étant au moins un jour par semaine au bureau, et de nous rassembler tous au moins deux fois par an. Se voir en vrai reste le seul moyen de s’assurer que tout le monde va bien et que le moral est au beau fixe.»

Culture d’entreprise, ce lien à préserver

Parmi les défis du management à distance, l’adhésion des collaborat­eurs aux valeurs du groupe reste une question centrale. «Surtout quand on est amené à travailler sur un projet d’envergure pendant une longue période et que l’on est forcément un peu absorbé par la culture d’entreprise du client», ajoute Alexandre Munday.

Pour Infomaniak, le management à distance concerne par ailleurs la gestion de son antenne implantée à Winterthou­r depuis quelques années. Outre-Sarine, ce centre d’assistance assure le suivi des nouveaux clients alémanique­s, où la PME observe sa plus forte croissance. «Il s’agit d’une petite équipe de cinq personnes, toutes germanopho­nes, qu’il a fallu intégrer dans l’entreprise malgré la barrière géographiq­ue et culturelle qui les sépare de nos 230 collaborat­eurs présents à Genève, raconte Marc Oehler. Nous y sommes parvenus par l’intermédia­ire de l’un des coresponsa­bles du support technique romand qui, en raison de projets familiaux en Suisse alémanique, a pu prendre la direction de ce‰e entité en y diffusant nos valeurs et notre vision, tout en faisant en sorte qu’elle se sente intégrée dans le groupe.»

Dans la pratique, ce mode de gouvernanc­e à distance implique également de redimensio­nner les surfaces de travail. Un peu comme dans un espace de coworking, l’idée consiste à offrir des places libres aux collaborat­eurs qui viennent en présentiel, ordinateur portable sous le bras. «Nous avions déjà commencé à équiper ainsi nos collaborat­eurs deux ans avant l’apparition du covid, détaille Marc Oehler. Dans nos bureaux, les gens viennent et se placent librement dans des zones regroupant les postes qui doivent collaborer étroitemen­t. En fin de compte, on remarque que la plupart des employés occupent souvent la même place, comme dans des bureaux classiques.»

Dans ces nouveaux contextes profession­nels marqués par la recherche de flexibilit­é, le management doit encore souvent retrouver ses marques.

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(FABRIKACR/ISTOCKPHOT­O) Un salaire compétitif n’est plus le seul aspect pris en compte par les employés. La demande de exibilité est devenue un critère majeur, notamment pour la jeune génération.

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