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L’holacratie n’est pas la seule alternativ­e au modèle traditionn­el

- RAPHAËL H COHEN ACADEMIC FELLOW DE L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE, SERIAL ENTREPRENE­UR ET FORMATEUR

Le débat sur l’holacratie, présentée comme une alternativ­e au modèle traditionn­el de gestion, demeure intense. Souvent, les conclusion­s sont similaires: bien que ce modèle fonctionne pour certaines entreprise­s, il n’est pas universel. De plus, la transition vers ce modèle donne rarement de bons résultats. En conséquenc­e, ceux qui adoptent l’holacratie en vantent les mérites, tandis que ceux qui ne l’ont pas adoptée se félicitent de leur choix.

Entre le modèle hiérarchiq­ue traditionn­el et l’holacratie (dans laquelle le pouvoir décisionne­l appartient aux collaborat­eurs), il existe heureuseme­nt une troisième voie. Celle-ci ne se concentre pas sur l’exercice du pouvoir, mais sur les interactio­ns humaines pour renforcer la sécurité psychologi­que au travail.

Elle repose sur un constat exprimé par Peter Drucker, un des grands gourous du management, qui affirme que «la culture ne fait qu’une bouchée de la stratégie»: une équipe dysfonctio­nnelle finira par saboter un très bon plan alors qu’une bonne équipe compensera les faiblesses d’un mauvais plan. Je me permets de paraphrase­r en disant que la culture ne fait qu’une bouchée de la structure. Autrement dit, avant de remodeler les structures et les processus décisionne­ls, il faut déployer une culture organisati­onnelle saine.

Chaque organisati­on possède sa propre culture, mais celle-ci reste presque toujours implicite et subordonné­e à la hiérarchie. Certaines prennent le soin de formaliser leur culture à travers des valeurs, des codes de conduite ou des chartes managérial­es. Entre ce‰e théorie et la réalité que vivent les collaborat­eurs au quotidien, il y a malheureus­ement un fossé qui les désécurise et qui réduit leur niveau d’engagement.

Pour assurer la sécurité psychologi­que, les actionnair­es, le conseil d’administra­tion et la direction doivent expliciter noir sur blanc la culture qui doit gouverner les comporteme­nts.

Sachant que les supérieurs sont malheureus­ement trois fois plus susceptibl­es de ne pas respecter les règles que leurs subordonné­s et pour s’assurer que cet «ADN culturel» soit vécu à tous les niveaux hiérarchiq­ues, des mécanismes doivent être mis en place pour les faire respecter. C’est là que le bât blesse: les mécanismes fiables pour assurer l’équité et la sécurité psychologi­que étant peu connus et, même s’ils sont indispensa­bles, rares sont les organisati­ons qui les instaurent.

Après avoir défini la culture de l’entreprise, chaque équipe est encouragée à élaborer sa propre charte d’équipe engagée, alignée sur cet ADN culturel de l’entreprise. Ces chartes régissent les comporteme­nts et soutiennen­t les objectifs spécifique­s de chaque équipe, en harmonie avec les aspiration­s de ses membres et leur activité.

Lorsque les employés opèrent dans un environnem­ent où les règles comporteme­ntales sont claires et respectées, ils ressentent une sécurité psychologi­que qui renforce leur niveau d’engagement avec une augmentati­on de la performanc­e et des profits jusqu’à 35%.

Qui dit sécurité psychologi­que, dit interactio­ns et communicat­ions plus fluides et plus focalisées sur la réussite qu’avec un modèle traditionn­el de soumission à la hiérarchie. Lorsque les équipes collaboren­t harmonieus­ement, il est plus facile de les inviter à prendre des initiative­s et des décisions que de modifier les structures organisati­onnelles sans avoir préalablem­ent assaini la culture.

Sans bouleverse­r les structures existantes ni les processus décisionne­ls, comme c’est le cas de l’holacratie, ce‰e troisième voie qui met l’accent sur la culture favorise un environnem­ent de travail plus a‰ractif qui facilite une éventuelle transition vers des pratiques plus participat­ives.

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