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L’holacratie n’est pas la seule alternative au modèle traditionnel
Le débat sur l’holacratie, présentée comme une alternative au modèle traditionnel de gestion, demeure intense. Souvent, les conclusions sont similaires: bien que ce modèle fonctionne pour certaines entreprises, il n’est pas universel. De plus, la transition vers ce modèle donne rarement de bons résultats. En conséquence, ceux qui adoptent l’holacratie en vantent les mérites, tandis que ceux qui ne l’ont pas adoptée se félicitent de leur choix.
Entre le modèle hiérarchique traditionnel et l’holacratie (dans laquelle le pouvoir décisionnel appartient aux collaborateurs), il existe heureusement une troisième voie. Celle-ci ne se concentre pas sur l’exercice du pouvoir, mais sur les interactions humaines pour renforcer la sécurité psychologique au travail.
Elle repose sur un constat exprimé par Peter Drucker, un des grands gourous du management, qui affirme que «la culture ne fait qu’une bouchée de la stratégie»: une équipe dysfonctionnelle finira par saboter un très bon plan alors qu’une bonne équipe compensera les faiblesses d’un mauvais plan. Je me permets de paraphraser en disant que la culture ne fait qu’une bouchée de la structure. Autrement dit, avant de remodeler les structures et les processus décisionnels, il faut déployer une culture organisationnelle saine.
Chaque organisation possède sa propre culture, mais celle-ci reste presque toujours implicite et subordonnée à la hiérarchie. Certaines prennent le soin de formaliser leur culture à travers des valeurs, des codes de conduite ou des chartes managériales. Entre cee théorie et la réalité que vivent les collaborateurs au quotidien, il y a malheureusement un fossé qui les désécurise et qui réduit leur niveau d’engagement.
Pour assurer la sécurité psychologique, les actionnaires, le conseil d’administration et la direction doivent expliciter noir sur blanc la culture qui doit gouverner les comportements.
Sachant que les supérieurs sont malheureusement trois fois plus susceptibles de ne pas respecter les règles que leurs subordonnés et pour s’assurer que cet «ADN culturel» soit vécu à tous les niveaux hiérarchiques, des mécanismes doivent être mis en place pour les faire respecter. C’est là que le bât blesse: les mécanismes fiables pour assurer l’équité et la sécurité psychologique étant peu connus et, même s’ils sont indispensables, rares sont les organisations qui les instaurent.
Après avoir défini la culture de l’entreprise, chaque équipe est encouragée à élaborer sa propre charte d’équipe engagée, alignée sur cet ADN culturel de l’entreprise. Ces chartes régissent les comportements et soutiennent les objectifs spécifiques de chaque équipe, en harmonie avec les aspirations de ses membres et leur activité.
Lorsque les employés opèrent dans un environnement où les règles comportementales sont claires et respectées, ils ressentent une sécurité psychologique qui renforce leur niveau d’engagement avec une augmentation de la performance et des profits jusqu’à 35%.
Qui dit sécurité psychologique, dit interactions et communications plus fluides et plus focalisées sur la réussite qu’avec un modèle traditionnel de soumission à la hiérarchie. Lorsque les équipes collaborent harmonieusement, il est plus facile de les inviter à prendre des initiatives et des décisions que de modifier les structures organisationnelles sans avoir préalablement assaini la culture.
Sans bouleverser les structures existantes ni les processus décisionnels, comme c’est le cas de l’holacratie, cee troisième voie qui met l’accent sur la culture favorise un environnement de travail plus aractif qui facilite une éventuelle transition vers des pratiques plus participatives.