La région d’Odessa à un Géorgien
Ukraine Une bête noire du Kremlin élevé à un poste stratégique
Un ennemi juré du président russe Vladimir Poutine, l’ex-président géorgien Mikhaïl Saakachvili, est devenu samedi gouverneur de la région ukrainienne stratégique d’Odessa.
Le président ukrainien Petro Porochenko a présenté Mikhaïl Saakachvili comme «un grand ami de l’Ukraine» devant les responsables de la région d’Odessa, un jour après lui avoir octroyé la citoyenneté ukrainienne. Une centaine de manifestants brandissant des drapeaux ukrainiens ont accueilli le nouveau gouverneur devant le siège de l’administration régionale.
Petro Porochenko a déclaré que les objectifs de Mikhaïl Saakachvili seraient de «préserver la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et le calme», tout en soulignant que la guerre la plus importante était «celle contre la corruption».
La ville d’Odessa, un million d’habitants et principal port d’Ukraine, se situe près de la Transnistrie, une région sécessionniste de Moldavie où sont basées des troupes russes. Elle est convoitée par Vladimir Poutine, qui l’avait citée il y a un an comme faisant partie de son projet de constitution d’une Nouvelle Russie (Novorossia).
Cité russophone, Odessa a réussi à résister aux pulsions séparatistes qui ont conduit dans les régions rebelles de l’est à un conflit armé ayant fait près de 6300 morts depuis avril 2014. Mais la situation y reste très tendue. Plusieurs mystérieuses explosions ont visé ces derniers mois des organisations pro-ukrainiennes.
Le 2 mai 2014, Odessa a été par ailleurs le théâtre d’une tragédie qui a coûté la vie à 48 personnes (principalement des pro-russes qui ont péri dans un incendie après avoir attaqué et tué des partisans de Kiev).
«Notre but est de dépasser les conflits imposés artificiellement» à l’Ukraine, a déclaré Mikhaïl Saakachvili dans une claire allusion à la Russie, accusée par Kiev et les Occidentaux de soutenir militairement la rébellion séparatiste dans l’est.
Dispute entre oligarques
La Russie a dénoncé avec virulence l’initiative de Petro Porochenko.
«Saakachvili, accusé de crimes contre le peuple géorgien, est nommé gouverneur d’Odessa, où les néonazis ont brûlé des gens en toute impunité: c’est un symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’Occident», a lancé le délégué aux Droits de l’homme du Ministère russe des affaires étrangères, Konstantin Dolgov.
Mikhaïl Saakachvili, président de la Géorgie de 2004 à 2013, était arrivé au pouvoir après la «révolution des Roses», premier d’une sé- rie de soulèvements populaires en ex-URSS honnis par le Kremlin. Il a toujours été très proche des forces pro-occidentales de l’Ukraine. Il a notamment harangué les foules à Maïdan à Kiev pendant la «Révolution orange» en 2004 et le mouvement de contestation de 20132014 qui avait conduit à la chute du régime pro-russe de Viktor Ianoukovitch.
Ce juriste charismatique formé aux Etats-Unis et en France avait chassé du pouvoir l’ancien ministre soviétique des Affaires étrangères Edouard Chevardnadze. Il est aujourd’hui poursuivi dans son pays pour «abus de pouvoir».
La nomination de l’ex-président géorgien s’inscrit dans le cadre de la campagne de «désoligarquisation de l’Ukraine» prônée par Petro Porochenko. Un homme, luimême milliardaire, qui n’a toujours pas vendu ses affaires en dépit de ses promesses électorales.
A Odessa, Mikhaïl Saakachvili remplace ainsi le milliardaire Igor Palitsa, un proche de l’oligarque Igor Kolomoïski. Ce dernier avait été nommé l’an dernier gouverneur de la région stratégique de Dniepropetrovsk, située dans l’est, près de la ligne du front. Il a été démis de ses fonctions en mars dernier après un bras de fer avec l’Etat ukrainien pour le contrôle de juteux actifs pétroliers. Maria Timochtchouk et Olga Nedbaeva/AFP