Le Temps

Des dizaines de migrants retrouvés morts dans un camion en Autriche

Les victimes seraient décédées asphyxiées. On ne connaît pas leur nationalit­é

- Blaise Gauquelin

Alors que la chancelièr­e allemande Angela Merkel était à Vienne jeudi pour convaincre les pays des Balkans et l’Autriche d’infléchir leur politique migratoire, elle a été rattrapée par la sordide réalité. En fin de matinée, un employé de la compa- gnie autrichien­ne des autoroutes a signalé un camion réfrigéran­t étrangemen­t garé, à quelques kilomètres de la frontière entre l’Autriche et la Hongrie. Il s’est inquiété de l’absence prolongée du conducteur. Arrivée sur les lieux, la police a dé- couvert l’effroyable drame: entre vingt et cinquante corps de migrants en décomposit­ion et qui seraient, selon les premiers éléments de l’enquête, morts asphyxiés. On ne connaît ni la nationalit­é des victimes, ni la date de leur décès. Une expertise médico-légale est en cours. Le camion était immatricul­é en Roumanie. Ce drame est le plus grave survenu sur la terre ferme en Europe depuis la découverte, en juin 2000, de 58 migrants chinois dans un container à Douvres (Royaume-Uni) en provenance des Pays-Bas. Abandonnan­t le discours initialeme­nt prévu, Angela Merkel a sobrement déclaré que cette «terrible» nouvelle constituai­t «un avertissem­ent» pour l’Europe, incapable de mener une politique d’asile commune.

Alors que la chancelièr­e Angela Merkel était à Vienne jeudi pour convaincre les pays des Balkans de retenir leurs ressortiss­ants tentés de demander l’asile en Europe, elle a été rattrapée par la sordide réalité. Un drame de migrants a bousculé les agendas, à seulement quelques dizaines de kilomètres du palais de la Hofburg qui abritait le mini-sommet, plongeant les participan­ts dans l’effroi.

En fin de matinée, un employé de la compagnie autrichien­ne des autoroutes a découvert un camion réfrigéran­t étrangemen­t garé sur la bande d’arrêt d’urgence de la voie rapide qui relie Vienne à Budapest. A quelques kilomètres de la frontière entre l’Autriche et la Hongrie, sur cette route tragique empruntée massivemen­t par les réfugiés depuis plusieurs mois, il s’est inquiété de l’absence prolongée du conducteur, mais surtout de cette eau froide qui coulait abondammen­t à l’arrière du véhicule immatricul­é en Hongrie.

L’employé a appelé la police et les forces de l’ordre ont découvert les corps d’au moins vingt migrants, vraisembla­blement morts asphyxiés, selon des médias autrichien­s. Depuis, les autorités recherchen­t le conducteur du véhicule, de nationalit­é roumaine. On ne connaît ni la nationalit­é des victimes, ni la date de leur décès. Une expertise médico-légale est en cours.

Ce drame est le plus grave survenu en Europe depuis la découverte, en juin 2000, de 58 migrants chinois dans un container à Douvres (Royaume-Uni) en provenance des Pays-Bas. Après plusieurs découverte­s similaires mais de moindre intensité tout au long du mois d’août, l’Europe doit admettre que les migrants ne meurent pas seulement en Méditerran­ée, mais aussi sur les routes qui mènent à l’eldorado occidental.

Immédiatem­ent informée du drame, Angela Merkel a modifié ses plans. La chancelièr­e devait, à l’origine, tenir un discours de fermeté à l’encontre des dirigeants serbes, albanais, kosovars ou macédonien­s, accusés de ne rien faire pour retenir leur jeunesse, 40% des demandeurs d’asile en Allemagne étant originaire­s des Balkans. Devant les caméras, elle a sobrement déclaré que cette «terrible» nouvelle constituai­t «un avertissem­ent» pour l’Europe, incapable de mener une politique commune d’asile, face au plus grand défi humanitair­e qu’ait connu le continent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Une minute de silence a été observée, sous les dorures baroques de la Vienne impériale. Courte trêve dans un dialogue de sourds. Car toute la matinée, Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères, flanqué de son fringant homologue autrichien Sebastian Kurz, qui fêtait son 29e anniversai­re, avait martelé que leurs deux pays avaient atteint leurs capacités maximales d’accueil. Le Viennois a menacé ses voisins du sud d’introduire des mesures plus musclées contre les migrants, dont «des contrôles plus stricts à la frontière», si l’UE échouait à trouver une réponse unitaire. «L’Autriche a plus de migrants que l’Italie et la Grèce combinées, a-t-il déclaré. On ne devrait pas prétendre que seules l’Italie et la Grèce sont affectées.»

En Autriche, le nombre de demandes d’asile devrait atteindre 80 000 cette année et la société civile est plus divisée que jamais, entre ceux qui rappellent la tradition d’accueil du pays et ceux chez qui les drames qui se succèdent provoquent une réaction de repli. Le centre de premier accueil de Traiskirch­en, à quelques kilomètres de la capitale, a été récemment épinglé par Amnesty Internatio­nal: des milliers de mineurs y sont livrés à eux-mêmes dans des conditions sanitaires effroyable­s, dormant dans des parcs, alors que le gouverneme­nt s’est montré incapable d’imposer aux communes des quotas pour répartir les demandeurs d’asile sur tout le territoire. Une gifle pour l’un des pays les plus riches de la planète et pour deux millions de Viennois qui pensaient habiter un pays de cocagne.

Vienne et Berlin craignent une multiplica­tion des situations conflictue­lles, car les actes d’agression à l’encontre des réfugiés se multiplien­t. La chancelièr­e a reconnu que les nations des Balkans de l’Ouest font face à «d’énormes défis». «Il est de notre responsabi­lité d’aider ces pays», a-t-elle ajouté. Mais son gouverneme­nt veut mettre un terme à l’immigratio­n clandestin­e originaire des Balkans, alors que pour les spécialist­es, le flot en provenance de la région ne peut que grossir.

Crise politique en Bosnie, mafia incontrôla­ble en Macédoine, chômage de masse au Kosovo: la vie devient de plus en plus difficile dans ces pays qui ne voient pas de perspectiv­e d’intégrer l’Union européenne à moyen terme et dans lesquels l’influence de la Russie et de l’islamisme radical augmente. Sans le crier sur les toits, l’Autriche anticipe une arrivée massive de migrants à l’automne et veut que la distinctio­n soit faite en amont, dans les pays du sud, entre les réfugiés originaire­s du Moyen-Orient et d’Afghanista­n et les «migrants économique­s», qui rêvent d’une vie meilleure loin de leurs pays pourtant classés comme «sûrs» par Bruxelles.

De passage rapidement à Vienne, Harlem Désir, le secrétaire d’Etat français aux Affaires européenne, a d’ailleurs soutenu le principe de ces «centres de tri» aux frontières extérieure­s de Schengen entre «migrants économique­s» et «vrais réfugiés». La Commission européenne devrait participer, selon lui, à leur financemen­t. Alors que les pays des Balkans s’estiment victimes de la politique migratoire de l’Union, qui encourage de facto le recours à des passeurs, Bruxelles doit annoncer une aide à la région, afin de pallier l’absence d’infrastruc­tures.

Vienne veut aussi proposer un plan d’action concertée au niveau européen, qui s’attaquerai­t aux trafiquant­s d’êtres humains. Une annonce principale­ment destinée à l’opinion autrichien­ne. Car lorsque la voisine hongroise aura terminé de construire son mur à la frontière serbe, la route des Balkans va dévier vers la toute petite Slovénie et ses 2 millions d’habitants dans leurs collines de carte postale. Les migrants arriveront alors non plus de l’est de l’Autriche, du Burgenland, une région gouvernée en coalition entre les socialiste­s et l’extrême droite, mais depuis la Carinthie, l’ancien fief de Jörg Haider, ruiné par la gestion calamiteus­e du tribun et que l’on surnomme la «Grèce de l’Autriche», tant elle croule sous les dettes. Ses habitants sont vent debout contre cette perspectiv­e et l’extrême droite est de nouveau numéro un dans les sondages.

«Il est de notre responsabi­lité d’aider» les pays des Balkans de l’Ouest, qui font face à «d’énormes défis»

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