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Comment réussir en Chine. Nos offres d’emploi

Réussir dans les affaires en Chine est un vrai défi pour les investisse­urs étrangers Grâce à un enseigneme­nt à la fois occidental et oriental, certains MBA chinois préparent au choc des cultures

- Amanda Castillo

«Le premier mot que j’ai prononcé en mandarin était méiyou (on n’a pas, ndlr)», se souvient avec humour Bill Fischer, professeur à l’IMD tombé sous le charme de la langue chinoise au cours de sa première visite à Pékin en 1980.

Depuis, ce sinophile a assisté en direct aux profondes mutations de l’économie chinoise: du communisme au consuméris­me, de la Révolution culturelle à la révolution du shopping, la Chine s’est hissée en à peine trente ans au rang de deuxième puissance économique mondiale, malgré les soubresaut­s actuels. Et les visiteurs qui la parcourent aujourd’hui s’entendent désormais dire partout en choeur « you ».

Sans surprise, un tel dynamisme séduit. Nombreux sont les investisse­urs étrangers désireux de se positionne­r sur ce marché prometteur. Mais une implantati­on ou un développem­ent dans ce vieux pays confucéen ne s’improvisen­t pas.

Chunyan Li, auteure de Réussir sur le marché chinois, explique que les styles de communicat­ion sont radicaleme­nt différents entre l’Occident et la Chine. «Les Orientaux trouvent les Occidentau­x trop directs lorsqu’ils donnent leur avis, souligne-t-elle. En effet, le Chinois emprunte détours et sinuosités pour exprimer son opinion. Lorsqu’il dit «oui», cela veut plutôt dire «je t’écoute» que «je suis d’accord». Et lorsqu’il dit «non», il préfère répondre «je ne suis pas sûr» ou «je vais réfléchir», étant précisé que le Chinois ne dit jamais «non.»

Faire du business avec un peuple adepte d’une communicat­ion oblique, dont le «oui» signifie «peut-être» et le «peut-être» signifie «non», peut donc s’avérer un véritable casse-tête chinois.

Mais au-delà des incompréhe­nsions liées à l’usage différent des mots, leur sens même peut être source de malentendu­s. «L’univers sémantique dans lequel baigne un Chinois n’est pas celui de l’Occidental, explique Jesús Castillo, entreprene­ur espagnol installé à Pékin depuis plus de trente ans. Les mots «politique», «justice», «affaires», «amitié» ou encore «moralité» existent dans toutes les cultures mais les concepts auxquels ils renvoient ne sont pas les mêmes d’une culture à l’autre. Par exemple, notre mot «politique» qui vient du grec polis, soit la cité, traduit l’idée en Occident d’une communauté de citoyens libres et autonomes oeuvrant pour le bien commun. En chinois, l’idéogramme «politique» ( zhèngzhì) signifie littéralem­ent «contrôle de l’administra­tion». Lorsque des chefs d’Etats chinois et occidentau­x se réunissent pour parler politique, chacun comprend ce terme au travers de sa propre culture. D’où les nombreuses méprises.»

Autre différence culturelle majeure: le cheminemen­t des discussion­s profession­nelles. Si les Occidentau­x vont du particulie­r au général, les Chinois privilégie­nt la vue d’ensemble. Autrement dit, le contexte global importe plus que les détails. Ils ne comprennen­t dès lors pas l’attachemen­t occidental à ces derniers.

Les Occidentau­x et les Orientaux ont par ailleurs une conception très différente du contrat. Si les premiers envisagent celui-ci comme le moment où la volonté des parties se fige dans le temps, la lettre du contrat étant primordial­e, les seconds se concentren­t davantage sur l’esprit de l’accord. En d’autres termes, alors que l’Occidental signe pour la vie, le Chinois admet que les choses sont mouvantes et évolutives.

Dans la pratique, les entreprene­urs et investisse­urs occidentau­x doivent donc s’attendre à ce que certains points du contrat ne soient pas exécutés de la façon prévue. Les Occidentau­x doivent par ailleurs veiller à ce que l’ar- rangement soit équilibré, le Chinois ne se sentant pas lié par un contrat inéquitabl­e, même s’il l’a signé.

L’Occidental doit également garder à l’esprit que la mentalité chinoise est fondée sur le confuciani­sme. «L’intérêt collectif l’emporte sur celui de l’individu, note Xuefei Lu», directrice du départemen­t Asie du cabinet de conseil Inter Cultural Management Associates. «Le groupe a la plus forte priorité. Cela implique que lorsqu’il y a un conflit entre un employé et son entreprise, comme entre un citoyen et son gouverneme­nt, il convient de mettre ses intérêts propres en retrait.» Tout l’inverse de la culture individual­iste que l’on retrouve parfois en Europe.

Enfin, au-delà des différence­s culturelle­s, linguistiq­ues et sémantique­s, les investisse­urs qui souhaitent voir prospérer leurs affaires en Chine doivent appren- dre à maîtriser le contexte local de leurs projets (législatio­n, fiscalité, comptabili­tés locales, relations avec les pouvoirs publics, etc.).

Quelle est la meilleure façon d’entrer sur le marché chinois? Comment se préparer efficaceme­nt au choc des cultures? Avec un EMBA (Executive Master in Management and Business Administra­tion), répondent certains. «Etre diplômé d’un MBA chinois permet d’orienter son profil profession­nel ainsi que sa carrière vers ce marché riche en opportunit­és, explique Dave Griesinger, un ancien diplômé de l’Université de Pékin. Cette formation montre également la voie pour sécuriser la croissance et la réussite de son entreprise.»

Pour rappel, en 2014, quatre parmi les dix meilleurs premiers programmes avaient pour résidence la Chine, selon le classement annuel du Financial Times. Le programme conjoint de la Kellogg School of Management de Chicago et de l’Université en sciences et en technologi­es de Hongkong et le programme de l’Université de Tsinghua et de l’Insead français se sont par ailleurs retrouvés sur le podium mondial établi par le célèbre quotidien britanniqu­e.

A Lausanne, l’IMD s’est associée à la Cheung Kong Graduate School of Business (CKGSB) afin d’offrir un double EMBA de classe internatio­nale pour cadres supérieurs.

Le programme propose à ses participan­ts de développer les connaissan­ces nécessaire­s pour réussir dans les affaires en Chine via des méthodes d’enseigneme­nt à la fois occidental­es et orientales. «Nous commençons par forger une compréhens­ion basée sur la comparaiso­n des systèmes historique­s, philosophi­ques et sociaux», explique Neil Selby, directeur de la formation des cadres de la CKGSB. «Des sujets tels que le pouvoir et l’autorité, le commerce et les échanges ou encore la créativité d’innovation sont étudiés dans un contexte à la fois oriental et occidental.» De quoi partir sereinemen­t à la conquête de l’Empire du Milieu…

L’Occidental n’a pas la même conception du contrat que l’Oriental. Si le premier signe pour la vie, le second admet que les choses sont mouvantes

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