Le Temps

L’entente des planches

Quatre théâtres s’associent depuis quatre ans pour harmoniser leur programmat­ion Une initiative à saluer, qui permet de soutenir les artistes et de proposer des billets à prix modéré

- Marie-Pierre Genecand

A Lausanne, l’été, les théâtres s’entendent pour le bien du public: Arsenic, Grange de Dorigny, Théâtre 2.21 et CPO d’Ouchy s’associent pour harmoniser leur programmat­ion et baisser les prix.

Denis Maillefer, Fabrice Gorgerat, François Gremaud, Christian Geffroy-Schlittler, Sandra Gaudin, Yvette Théraulaz, Anna Van Brée, Sandra Amodio… A recenser les artistes réunis sous la bannière du Grand Huit, on a la tête qui tourne. Cette opération mérite bien son nom. L’aisance avec laquelle plusieurs théâtres lausannois s’associent pour mieux soutenir la création donne le vertige, notamment aux scènes genevoises toujours aussi loin d’accorder leurs violons…

Le Grand Huit? C’est, depuis quatre ans, une initiative spontanée de l’Arsenic, la Grange de Dorigny, le Théâtre 2.21 et le CPO d’Ouchy visant à harmoniser leur programmat­ion. Entre l’automne et le printemps, les directeurs de ces scènes se réunissent à quatre reprises pour mettre en commun les projets reçus – une soixantain­e en tout – et décider ensemble du lieu idéal pour chaque création. L’avantage? «Aucun projet ne passe à l’as et notre créativité est stimulée par nos discussion­s», observe Dominique Hauser, codirectri­ce de la Grange de Dorigny avec Marika Buffat.

Autre avantage, mais, cette fois, pour le public: chaque personne abonnée dans l’une des quatre salles peut aller voir un spectacle dans les trois autres lieux pour 8 francs. «Non seulement, nous souhaitons soutenir la création locale, mais aussi inciter les spectateur­s à la découvrir», résume Sandrine Kuster, à la tête de l’Arsenic.

Parfois, certains projets profitent de trois lieux. La saison der- nière, par exemple, le très piquant Paradise Now! de Fanny Pélichet et Vincent Bonillo (LT du 8.5.2014) a été imaginé avec l’équipe de Dorigny, répété au Théâtre 2.21 et présenté au CPO.

Logiquemen­t, c’est donc ensemble que, jeudi dernier, au Buffet de la Gare, les quatre théâtres associés ont présenté leur prochaine saison. Pépites.

L’Arsenic

Elle a annoncé son départ pour juin 2017, mais, dans l’immédiat, Sandrine Kuster ne perd rien de sa verve. Ecriture de plateau, pièces plus classiques, artistes locaux, accueils étrangers, la directrice métisse toujours aussi bien son affiche. Denis Maillefer racontera le quotidien de Marla, monologue qui donne la parole à une escortgirl fière de son métier. Fabrice Gorgerat, qui a déjà vu Médée dans Fukushima, projettera cette fois Blanche, du Tramway nommé désir dans Katrina, l’ouragan qui a dévasté la Nouvelle-Orléans. Et, parce qu’elle nous a ébouriffés avec son Ajax, il y a cinq ans, on ira dévorer Les Ogres d’Anna Van Brée. Sans oublier les folies bocagères de Christian Geffroy-Schlittler… De son côté, Sandrine Kuster a distingué Plan cul, de Philippe Wicht, nouveau venu qui, avec ce titre audacieux, souhaite parler plaisir les yeux dans les yeux avec le public. Ou encore La maladie de la famille M., un oratorio grinçant qu’Andrea Novicov a travaillé sur un mode musical cet été à l’Orangerie (LT du 21. 7.2014).

La Grange de Dorigny

Affiche alléchante également sur le campus lausannois. Sandra Amodio y traque une Enéide tandis que Ludovic Chazaud y chasse les lézards heureux et Sandra Gaudin les adolescent­s malheureux. On craque aussi pour le western sonore imaginé par Caroline Le Forestier, bruiteuse de Radio-France. Ou Mamma Helvetia, spectacle sur la suissitude joué dans les quatre langues nationales. Et on souhaite bonne inspiratio­n à Vincent Bonillo qui part du magistral Théorème de Pasolini pour proposer une réflexion sur le diktat de la consommati­on.

Le 2.21

Amoureux du texte, Michel Sauser accueille logiquemen­t Lee Maddeford en résidence! Sans doute parce que le plus théâtral des musiciens a la mélodie narrative. On le retrouve dans quatre projets, dont une opérette numérique, Love on the (méga) byte, qui promet. Dans ce riche menu du 2.21, on a aussi rendez-vous avec Corinna Bille, avec une Romance imaginée par Valérie Liengme ou avec Narcisse façon slam de Julien Mages. Surtout, on ne manquera pas Yvette Théraulaz qui chante Barbara, un rendez-vous que notre artiste de coeur a longuement préparé. Enfin, impossible de ne pas saluer une mutation audacieuse. Celle de Pierre Lepori qui quitte la critique, exercice dans lequel il excellait, pour réaliser sa première mise en scène. Il montera Sans peau, un texte de sa compositio­n.

Le CPO

Un petit lieu, une belle ambition. Le CPO d’Ouchy mêle art et activités sociales pour le bonheur de son quartier. François Gremaud y amène Pierre Mifsud et sa Conférence de choses, tandis que les héros et anti-héros tiendront le haut du pavé à travers concours et bal masqué. Enfin, dans Lignes d’Horizon, on retrouvera avec émotion la délicatess­e de Gilles Anex et Marie-Dominique Mascret à la direction de leurs très inventifs comédiens mentalemen­t handicapés.

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Claude Thébert et son clan, dans «La Maladie de la famille M.», repris à l’Arsenic.

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