Le Temps

Pierre Maudet laisse la voie libre à Uber

Le magistrat présente son projet de loi Les taxis jaunes et bleus ne formeront qu’une seule catégorie

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Laure Lugon Zugravu

Les portes de Genève s’ouvrent un peu plus à Uber, déjà présente, et autres acteurs du transport calqués sur le modèle de l’entreprise américaine. C’est en tout cas ce qui ressort du projet de loi sur les taxis et véhicules de transport avec chauffeur présenté hier par le conseiller d’Etat Pierre Maudet et adopté par le Conseil d’Etat. Flinguant, du même coup, la loi de Pierre-François Unger, jamais entrée en vigueur. Le libéral radical ne s’en cache pas: «Il faudra détricoter le travail de mon prédécesse­ur, qui proposait une centrale unique, une idée assez collectivi­ste et qui n’intégrait pas les entreprise­s comme Uber. Je vais donc demander au parlement de se déjuger un peu.»

Un peu, ou beaucoup. Car la propositio­n de loi, dont le Grand Conseil sera saisi le 17 septembre, ouvre le marché à la concurrenc­e. Tout d’abord, les véhicules de transport avec chauffeur (VTC) pourront s’installer librement à Genève et leur nombre ne sera pas limité. Ces véhicules n’auront pas l’obligation d’arborer des plaques d’immatricul­ation du canton, mais seulement de s’annoncer. Ils ne seront pas non plus astreints aux mêmes examens que les taxis traditionn­els. En revanche, ils ne pourront pas être hélés, ne pourront pas stationner sur les pla- ces de taxis, n’arboreront pas de bonbonnes et ne pourront pas emprunter les voies de bus qui sourient aux taxis jaunes.

Question couleur, justement, on simplifie. Il n’y aura plus que des taxis jaunes, les taxis bleus disparaiss­ant au profit d’une catégorie unique qui bénéficier­a de l’usage du domaine public. Mais contrairem­ent à sa première idée, le magistrat propose de maintenir le contingent­ement pour ces taxis traditionn­els: «Il permet un meilleur contrôle, des prestation­s de qualité et répond à une fonction de service public», assure le conseiller d’Etat. Mais il fau- dra attendre les règlements d’applicatio­n pour savoir à combien sera fixé le plafond, actuelleme­nt à 825 taxis jaunes et 400 bleus. Les places nouvelles seront attribuées selon l’ordre d’arrivée. Alors que le système actuel facture 40 000 francs une place, somme restituée à la cessation d’activité du chauffeur, celui-ci paiera désormais une taxe annuelle entre 900 francs et 1400 francs, qui ne sera pas remboursée. Dans le but notamment «d’éviter les comporteme­nts spéculatif­s de cession de plaques, qui à Paris ou New York atteignent des sommets», explique le magistrat. Les autorisati­ons de pratiquer seront simplifiée­s et les sanctions renforcées.

Pierre Maudet ne saurait toutefois promettre le libéralism­e qu’aux acteurs du transport issus des nouvelles technologi­es. Les taxis traditionn­els aussi auront leur part. En biffant la notion de centrale unique, il appelle à la multiplici­té des diffuseurs de courses, un concept qui englobe tous les intermédia­ires mettant en relation chauffeurs et clients. Ainsi, un diffuseur de courses pourra aiguiller la clientèle sur des taxis ou sur des VTC. Le projet de loi encourage aussi la mixité des activités des indépendan­ts, des entreprise­s et des diffuseurs de courses. Si elle devait être adoptée, il y aurait un régime transitoir­e de six mois pen- dant lesquels les plaques pourraient être cédées sans contrôle de prix. «Nous espérons que durant ces six mois, les cartes seront rebrassées, stimulant d’autres entreprise­s et permettant la concentrat­ion d’acteurs indépendan­ts, qui sont 700 aujourd’hui, avance Pierre Maudet. Cela devrait encourager la concurrenc­e entre les diffuseurs de courses et, partant, l’efficacité et la qualité du service.»

Chez Uber, c’est ainsi que Steve Salom, directeur général à Genève, traduit sa satisfacti­on: «Les intentions de ce nouveau projet de loi nous semblent aller dans la bonne direction, dans la mesure où il place la mobilité et la sécurité des Genevois au coeur de ses préoccupat­ions. Nous sommes heureux de constater que la Direction de la sécurité et du commerce prend acte de la nécessité de réformer le cadre légal actuel pour l’adapter aux nouvelles technologi­es.» Pour les taxis par contre, c’est la douche froide. «Pierre Maudet veut nous tuer! Cela va pousser les investisse­urs à acheter des concession­s et les indépendan­ts se retrouvero­nt employés précarisés», s’indigne un chauffeur de taxi. «Uber ne devra respecter aucune des contrainte­s qui sont les nôtres», embraye Mohamed Bouzid, porte-parole du collectif des taxis genevois. Lequel prévoit déjà d’organiser la réplique. Ce qui ne devrait pas surprendre Pierre Maudet: «Le problème vient d’un noyau d’irréductib­les qui n’ont pas compris qu’on a changé d’ère. Les motifs de râleries ne disparaîtr­ont pas.» Reste à voir si elles sauront convaincre les députés.

Le contingent­ement permet un meilleur contrôle et des prestation­s de qualité

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