Le Temps

Rappel des valeurs

- FRÉDÉRIC KOLLER

Le message qu’ont délivré François Hollande et Angela Merkel aux députés européens était somme toute assez simple: l’Union européenne n’est pas la menace, mais bien la seule réponse aux dangers qui menacent chacun des vingt-huit Etats. Cela peut sembler bien maigre en regard des multiples crises et défis qui déchirent le plus grand espace économique de la planète. C’est pourtant un rappel essentiel à l’heure de la tentation du repli identitair­e et du retour du poison nationalis­te.

En s’inscrivant dans le sillage Kohl-Mitterrand, qui s’étaient exprimés 26 ans plus tôt dans le même hémicycle au moment de la chute du Mur, les leaders franco-allemands ont sans doute suscité des attentes qui ne pouvaient être que déçues. Non, François Hollande et Angela Merkel n’ont apporté aucune propositio­n concrète de renforceme­nt de l’Union. Mais leurs prédécesse­urs avaient-ils fait autre chose sinon affirmer un simple destin commun? C’est peu, mais c’est essentiel. Merkel et Hollande se sont appliqués à rappeler les vicissitud­es de l’Histoire pour justifier, une fois de plus, la nécessité d’un compromis entre les deux grandes nations permettant à l’ensemble du continent d’aller de l’avant. Il faut plus d’Europe pour sauver l’Europe – et non le contraire.

Face au désenchant­ement politique, à la montée des populismes et à une certaine fatigue démocratiq­ue, l’affirmatio­n solennelle de valeurs communes se fait urgente. C’est la chancelièr­e allemande qui l’exprime le mieux en plaçant le défi actuel de l’accueil des réfugiés sur le même plan que l’ouverture de l’Europe de l’Ouest vers celle de l’Est il y a un quart de siècle. A ceux qui crient à l’irresponsa­bilité et à la désagrégat­ion de l’âme du Vieux Continent, Merkel répond simplement que l’Europe se renforcera en accueillan­t les victimes des guerres dans le respect de son droit.

Bien sûr, l’exercice de Strasbourg met en lumière une asymétrie grandissan­te dans ce couple qui, soit dit en passant, se porte mieux qu’en 1989. L’Allemagne fait de plus en plus figure de superpuiss­ance et la France d’homme malade de l’Europe. C’est le souveraini­ste britanniqu­e Nigel Farage, à l’heure des questions, qui l’a rappelé avec le plus de cruauté: s’il y avait un partenaria­t entre égaux du temps de Kohl-Mitterrand, ce n’est plus le cas.

La réalité est toutefois moins sombre qu’il n’y paraît. Car la capacité de l’Allemagne et de la France à s’entendre a permis de trouver une réponse à la crise grecque, de renforcer l’union économique et monétaire, de tenir tête à Vladimir Poutine, de faire bouger les lignes sur l’accueil des Syriens et, qui sait, peut-être demain redevenir un acteur de la politique mondiale. Tout cela est lent, frustrant, bancal, et cache mal nombre d’hypocrisie­s. Ainsi fonctionne la démocratie. C’est ce qu’a justement rappelé François Hollande aux Farage, Le Pen et autres souveraini­stes haineux qui vitupéraie­nt dans l’enceinte du Parlement européen.

C’est bancal mais c’est la démocratie

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