Le Temps

La crise des réfugiés, un test pour l’UE

La chancelièr­e allemande Angela Merkel et le président français François Hollande étaient mercredi au Parlement européen. Au nom des valeurs européenne­s, les deux dirigeants politiques ont appelé à la solidarité et à la responsabi­lité

- PAR RAM ETWAREEA (BRUXELLES)

C’est vêtue du manteau de grande figure politique européenne qu’Angela Merkel a plaidé pour plus d’unité et de courage pour faire face au défi que présente l’afflux des réfugiés à l’Union européenne (UE). S’adressant mercredi aux députés européens à Strasbourg, la chancelièr­e allemande n’a que peu évoqué les sujets économique­s ou sociaux et a fait de la crise des réfugiés une priorité absolue qui, selon elle, va changer le visage du continent ces prochaines années. «Se cloisonner, se fermer à l’ère d’Internet est une illusion», a-t-elle déclaré. Le président français François Hollande a pris la parole juste après elle et a surtout insisté sur d’autres défis en plus de la crise des migrants: l’Ukraine, la Syrie, l’union économique et monétaire et la relance économique en Europe.

«Drame humain»

Le Parlement européen a vécu mercredi un événement historique avec la venue d’Angela Merkel et de François Hollande. Le premier exercice du genre avait eu lieu en 1989. Deux semaines après la chute du mur de Berlin, le chancelier allemand Helmut Kohl et le président français François Mitterrand s’étaient exprimés dans la même enceinte et avaient prôné l’ouverture aux pays d’Europe de l’Est. «Les conditions ne sont pas très différente­s aujourd’hui, a comparé Angela Merkel. Nous sommes face à un nouveau drame humain et des millions de personnes sont contrainte­s à l’exil à cause de la guerre, de la répression ou de la pauvreté.»

L’initiative de cette séance parlementa­ire exceptionn­elle revient à Martin Schulz. Le président du Parlement européen avait évoqué le projet de réunir les deux poids lourds de l’Union à Strasbourg en janvier dernier. L’Europe était alors sous le choc des attentats terroriste­s qui venaient de frapper Paris. Dans l’esprit de l’Allemand, il y avait un besoin de rassurer les citoyens européens.

Mais depuis, d’autres drames ont suivi. D’abord, l’Union n’a jamais été si proche d’une implosion. En juillet, plusieurs responsabl­es européens, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble en tête, évoquaient ouvertemen­t l’exclusion de la Grèce de la zone euro. Un tel scénario et, surtout, l’effet domino qu’il pouvait produire ont inquiété les gouverneme­nts européens. Puis, le flux de réfugiés a atteint des proportion­s inégalées en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. «En ces temps difficiles, nous avons besoin du couple franco-allemand», a déclaré Martin Schulz.

A ce propos, François Hollande a tenu à rappeler que l’accord de Minsk qui concerne la crise ukrainienn­e est le résultat d’une profonde concertati­on entre l’Allemagne et la France. De la même façon, les deux pays avaient mis les bouchées doubles, en juillet dernier, pour parvenir à une solution dans la crise grecque. «Nous étions proches d’un échec et cela aurait été la première brèche dans la constructi­on européenne», a déclaré le président français.

Angela Merkel a évoqué le scepticism­e auquel le chancelier Kohl et le président Mitterrand avaient dû faire face en 1989 lors de l’ouverture à l’Europe de l’Est. «On disait que le nombre d’Etats membres de l’Union allait doubler et que la libre circulatio­n des personnes était menacée, a-t-elle rappelé. Notre effort commun a été bénéfique et nous sommes plus prospères par rapport à il y a 25 ans, et en prime l’Europe est plus riche de sa diversité.»

Angela Merkel a cependant insisté sur le fait que l’Europe n’est pas la seule à accueillir des réfugiés; le monde en compte 60 millions. Dès lors, elle a appelé à la responsabi­lité collective afin que le fardeau soit partagé par l’ensemble des Vingt-Huit de façon juste et équitable. «Nous parviendro­ns à surmonter cette épreuve historique», a martelé la chancelièr­e allemande sous les applaudiss­ements nourris de l’hémicycle.

L’appel d’Angela Merkel et de François Hollande n’a toutefois pas fait l’unanimité. Le Britanniqu­e Nigel Farage (UKIP) et la Française Marine Le Pen (Front national) ont tous deux accusé Angela Merkel d’avoir lancé «une invitation aux milliers de migrants économique­s à venir en Europe». La cheffe de file du parti d’extrême droite français a estimé que «l’Europe est à la botte de l’Allemagne, dont le modèle économique est basé sur des bas salaires et qui est le seul pays à profiter d’un euro faible pour augmenter ses exportatio­ns».

 ??  ?? Angela Merkel et François Hollande arrivent à la tribune du Parlement européen. «S’isoler à l’ère d’Internet est une illusion», a déclaré la chancelièr­e. (AFP PHOTO/PATRICK HERTZOG)
Angela Merkel et François Hollande arrivent à la tribune du Parlement européen. «S’isoler à l’ère d’Internet est une illusion», a déclaré la chancelièr­e. (AFP PHOTO/PATRICK HERTZOG)

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