Le Temps

Ce qu’une majorité de droite changerait au Conseil fédéral

- BERNARD WUTHRICH

La présence de deux UDC au gouverneme­nt durant la législatur­e qui s’achève aurait-elle changé les décisions prises par ce dernier? Aurait-elle notamment permis de mieux anticiper les risques de l’initiative sur l’immigratio­n?

Le renforceme­nt de l’UDC et du PLR au parlement est pronostiqu­é par tous les sondages. Dans la foulée, l’hypothèse de l’élection d’un second démocrate du centre au Conseil fédéral gagne en puissance.

Il est trop tôt pour dire si ce scénario se vérifiera. Cela dépendra principale­ment des soutiens que les deux grands partis de droite obtiendron­t dans les formations politiques du centre droit, au PDC comme au Parti vert’libéral, pour placer un second UDC sur le fauteuil occupé par Eveline Widmer-Schlumpf.

Comme l’hypothèse de l’élection d’un second UDC prend corps, il est opportun de se demander si la présence de deux magistrats de ce parti changerait les décisions prises par le gouverneme­nt. Durant la législatur­e qui s’achève, la présence de deux UDC aurait eu des conséquenc­es sur le budget de l’armée. Alors que le parlement, sous la triple pression des démocrates du centre, des libéraux-radicaux et des démocrates-chrétiens, ne cesse de marteler qu’il veut une enveloppe financière de 5 milliards de francs, le Conseil fédéral fait la sourde oreille. Dans son budget 2016, il s’en tient à 4,7 milliards. Il aurait vraisembla­blement cédé à l’injonction du parlement si l’UDC y avait exercé davantage de poids.

A l’inverse, la rigueur budgétaire aurait été plus accentuée dans les autres domaines de dépenses, en particulie­r celles du personnel. C’est l’une des raisons qui motiveront la gauche à tout entreprend­re pour empêcher l’élection d’un second lieutenant de Christoph Blocher. Cela vaut aussi pour l’asile. Une majorité PLRUDC se serait vraisembla­blement montrée moins apte au compromis et aurait, peut-être, écarté d’entrée les solutions aujourd’hui contestées par voie référendai­re, comme la prise en charge des frais d’avocat.

On peut encore imaginer que cette majorité aurait mis davantage de bâtons dans les roues d’Alain Berset pour son ambitieuse réforme Prévoyance vieillesse 2020, dont le mérite est de traiter conjointem­ent l’AVS et le deuxième pilier. Le Fribourgeo­is a eu de la peine à convaincre de la justesse de cette stratégie. Si l’UDC avait été plus forte au gouverneme­nt, il n’y serait peut-être pas parvenu du tout.

Peut-on faire les mêmes considérat­ions pour l’énergie? Sur certains points, oui. Ainsi, une majorité PLR-UDC aurait renoncé à interdire explicitem­ent la constructi­on d’une nouvelle centrale nucléaire. Mais elle n’aurait rien changé au calendrier de mise hors service de celles qui sont en activité, le Conseil fédéral, dans sa compositio­n actuelle, n’ayant de lui-même proposé aucun délai.

S’il y a un dossier pour lequel le doublement de la représenta­tion UDC ne changerait rien, c’est la libre circulatio­n des personnes. Ce parti est le seul qui soit prêt à sacrifier les accords bilatéraux si cela se révèle nécessaire pour freiner l’immigratio­n. Le PLR ne le suit pas sur ce point crucial et le rapport de forces serait de cinq contre deux au lieu de six contre un, comme c’est le cas actuelleme­nt.

Mais on peut se poser une autre question: la présence d’un second UDC aurait-elle changé la donne pour le traitement de l’initiative populaire «Contre l’immigratio­n de masse»? En juillet 2012, le Conseil fédéral a décidé de rejeter ce texte sans lui opposer de contre-projet, mais en publiant un rapport proposant des pistes dont il espérait qu’elles fissent barrage à l’initiative. Cette stratégie s’est révélée insuffisan­te.

Au sein du gouverneme­nt, Ueli Maurer lutte souvent seul contre tous. Et l’on ne peut pas dire qu’il bénéficie d’un très grand crédit auprès de ses collègues, qui le considèren­t davantage comme un suppôt de son parti que comme un homme cherchant des solutions consensuel­les. On ne peut dès lors exclure qu’un comparse doté d’un sens gouverneme­ntal plus marqué eût eu davantage de chances de convaincre le Conseil fédéral d’opposer un contre-projet à cette initiative. Un contre-projet qui aurait écarté les éléments les moins compatible­s avec l’accord sur la libre circulatio­n des personnes. C’est, certes, de la politique fiction. Mais ce n’est pas absolument saugrenu.

L’hypothèse de l’élection d’un second UDC au Conseil fédéral gagne en puissance

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