«L’apprentissage est à la traîne à Genève»
Anne Emery-Torracinta a présenté mercredi son plan de soutien à la filière apprentissage. Les explications de la conseillère d’Etat genevoise
Au pays de l’apprentissage, Genève fait figure de cancre. Or, 10 à 15% des adolescents s’y retrouvent sans certification quand ils sortent du système scolaire. Autant de «candidats au chômage ou à l’aide sociale» que le Conseil d’Etat aimerait voir échapper à leur destin.
En charge de l’Instruction publique, Anne Emery-Torracinta a présenté mercredi son plan d’action en trois axes: soutenir les entreprises formatrices, introduire un quota de 4% d’apprentis à l’Etat et encourager l’orientation vers la filière duale.
La Suisse est la championne de la formation duale. Genève fait-elle exception? Oui. En Suisse, 88% des jeunes qui suivent une formation professionnelle le font dans la filière duale, c’est-à-dire à la fois en entreprise et à l’école. A Genève, ce chiffre n’est que de 52%, l’apprentissage est à la traîne.
Pourquoi? Seuls 4% des élèves qui sortent du cycle d’orientation choisissent l’apprentissage. On choisit d’abord le collège, l’école de culture générale ou la formation professionnelle à plein temps. Certainement parce que l’économie genevoise est très tertiaire, avec des exigences de formation assez élevées. Problème: un élève sur deux choisit le collège mais, parmi eux, un sur trois n’obtiendra pas sa maturité. Les jeunes bifurquent donc tard vers la formation professionnelle. Il faut leur permettre de s’orienter plus vite vers l’apprentissage.
L’apprentissage continue-t-il d’être mal vu? Malheureusement, oui. Les Genevois n’ont pas encore intégré le fait que l’apprentissage n’est pas toujours une fin en soi. Or on peut faire des études longues après avoir fait un CFC, notamment en HES. Les passerelles existent aussi pour rejoindre l’Université. Mais c’est mal connu.
Vous proposez d’introduire un quota de 4% d’apprentis à l’Etat, ou de conditionner l’adjudication de marchés publics à la formation d’apprentis. Ces mesures auront un coût… Un quota de 4% ferait augmenter le nombre d’apprentis à l’Etat de quelque 70 postes. Mais ces apprentis ne seront plus en formation professionnelle à plein temps à l’école, où ils coûtent plus cher. Ce que l’Etat dépensera en salaires supplémentaires, il l’économisera sur la formation à l’école. Le raisonnement est le même pour l’adjudication de marchés publics: une entreprise qui forme un apprenti fait économiser des frais scolaires à l’Etat. Sur le plan macroéconomique, l’Etat n’est pas perdant.
PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXIS FAVRE