La Corée experte en chef du climat
L’économiste coréen Hoesung Lee a été élu à la présidence du GIEC, alors que son pays héberge déjà le siège du Fonds vert pour le climat
Il sera pour les six années à venir celui qui incarne l’expertise scientifique internationale sur le climat: l’économiste de la République de Corée Hoesung Lee a été élu président du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) lors d’un vote organisé le 6 octobre à Dubrovnik. Il a notamment évincé le candidat suisse, le climatologue de l’Université de Berne Thomas Stocker, pourtant considéré comme l’un des favoris. Ce succès renforce le rôle de la Corée du Sud sur les questions climatiques, alors qu’elle accueille déjà le siège d’une autre institution d’importance, le Fonds vert pour le climat.
Hoesung Lee a été élu président du GIEC au second tour, par 78 voix contre 56 en faveur du climatologue belge de l’Université catholique de Louvain Jean-Pascal van Ypersele – qui suite à cet échec a d’ailleurs annoncé qu’il quittait le GIEC. Parmi les autres candidats figuraient, outre Thomas Stocker, l’Américain Chris Field, le Sierra-Léonais Ogunlade Robert Davidson et le candidat de l’Autriche et du Montenegro Nebojsa Nakicenovic.
«Je suis honoré et reconnaissant que le Groupe d’experts m’ait élu à sa présidence», a déclaré Hoesung Lee. Cet homme âgé de 69 ans est spécialiste de l’économie des changements climatiques. Enseignant à l’Université de Corée, il était jusqu’à présent l’un des trois vice-présidents du GIEC. Il succède à l’Indien Rajendra Pachauri, qui fut président du GIEC pendant treize années et qui avait démissionné en février dernier face à des accusations de harcèlement sexuel de la part d’une des chercheuses de son institut TERI, à New Delhi.
«Nous prenons note de l’élection du candidat coréen à la présidence du GIEC», indique José Romero, de la division Affaires internationales de l’Office fédéral pour l’environnement (OFEV), présent à Dubrovnik pour l’élection. Hoesung Lee aura pour rôle principal de mener à bien la prochaine et sixième évaluation du GIEC, qui devrait être publiée en 2022.
La République de Corée se retrouve désormais aux avantpostes dans deux institutions phares de la question climatique. Outre la présidence du GIEC nouvellement acquise, elle peut en effet déjà s’enorgueillir d’abriter le siège permanent du Fonds vert pour le climat, institution créée en 2009 qui a pour mission de financer des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement.
La ville nouvelle et connectée de Songdo, située non loin de la capitale sud-coréenne Séoul, avait été désignée en 2012 pour accueillir ce Fonds. Elle avait alors coiffé au poteau plusieurs autres villes candidates, dont Genève et Bonn, en Allemagne.
Faut-il y voir la preuve que Séoul cherche à se positionner comme leader de la lutte contre les changements climatiques? « Ce qu’on peut dire, c’est qu’aujourd’hui les compétences sur le réchauffement ne se cantonnent plus aux pays les plus développés. Des pays émergents comme la Chine, l’Afrique du Sud, le Brésil et la Corée du Sud sont désormais très actifs dans ce domaine et il est légitime que cela se reflète dans les institutions telles que le GIEC», estime José Romero.
Accroître la participation des experts issus de pays en développement fera d’ailleurs partie des priorités de Hoesung Lee: «Nous avons besoin de leur expertise pour compléter nos connaissances lacunaires sur les impacts climatiques à travers la planète. Ces connaissances aideront les pays à déterminer quelles mesures d’adaptation ils devront prendre», a-t-il indiqué après l’annonce de son élection.
En tant qu’économiste, Hoesung Lee aimerait aussi impliquer les représentants des milieux financiers et des affaires: «Les gouvernements ne peuvent pas à eux seuls résoudre le problème du changement climatique. Nous souhaitons que les plus brillants du secteur privé s’engagent davantage, en interprétant nos découvertes et en agissant à partir d’elles», souligne le nouveau président, tout en précisant que la science des changements climatiques restera la base des travaux du GIEC.
Malheureusement, il y a en matière de climat au moins un domaine dans lequel la Corée fait pâle figure: celui des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En prévision de la conférence sur le climat COP21, qui aura lieu dans quelques semaines à Paris, Séoul s’est fixé comme objectif une diminution de ses émissions de 37% d’ici à 2030, par rapport à un scénario «business as usual». Une contribution jugée «inadéquate» par les experts de l’organisation Climate Action Tracker. Selon eux, si tous les pays faisaient preuve du même manque d’ambition que la Corée du Sud, le monde se dirigerait vers une augmentation de température de 3 à 4°C d’ici à la fin du siècle. Les climatologues estiment pourtant que le seuil de +2°C ne doit pas être dépassé, au risque de conséquences catastrophiques. pour l’humanité.
«Nous avons besoin de l’expertise des pays en développement»