Le Temps

Comment Swisscom exploite ses données

L’opérateur a présenté mercredi à Lausanne ses projets dans le domaine du Big Data, notamment dans le secteur de la mobilité

- ANOUCH SEYDTAGHIA

Le Big Data? Difficile, depuis des mois, d’échapper à ces mots, devenus à la mode. Derrière cette expression d’apparence très abstraite – «une montagne de données» – se cache une tendance de plus en plus proche des consommate­urs. C’est ce qu’a voulu montrer, mercredi au Rolex Learning Center, l’EPFL, en organisant une conférence intitulée «du Big Data au Smart Data». Parmi les co-organisate­urs se trouvaient Innovaud, organisme de promotion des start-up, la Chambre vaudoise de commerce et d’industrie et Swisscom. L’opérateur est au coeur du Big Data. Un exemple?

«Chaque jour, les clients de notre réseau de téléphonie mobile créent 20 milliards d’événements, via des appels ou des connexions à des antennes, ce qui correspond à un volume de 2 terabytes de données», a expliqué Raphael Rollier, responsabl­e du programme Smart City chez Swisscom. Deux terabytes, c’est à titre de comparaiso­n la mémoire totale dont disposent, en moyenne, les ordinateur­s vendus en grande surface.

Et ces données, Swisscom compte bien les exploiter. Pour son compte. Mais via des partenaria­ts. Mercredi, l’opérateur a ainsi détaillé un projet très concret démarré avec la commune de Pully, dans l’Est lausannois. «Nous effectuion­s jusqu’à présent un comptage précis des voitures circulant dans la commune durant une semaine, mais tous les cinq ans. Cela ne nous permettait pas de savoir d’où venaient les voitures et où elles allaient», a expliqué Alexandre Bosshard, membre de la Direction des travaux et des services industriel­s de Pully. Du coup, la ville de 17000 habitants a mandaté Swisscom, qui a analysé toutes les cartes SIM des téléphones de ses clients (il détient 65% du marché suisse) actifs à Pully. Mais aussi à l’extérieur de la commune.

Du coup, l’opérateur a communiqué à la commune des données précises. «Nous savons de quelle commune et même de quel quartier viennent les voitures qui circulent à Pully, a détaillé Raphael Rollier. Nous savons que sur les 25000 véhicules qui passent dans la commune chaque jour, 10% appartienn­ent à des visiteurs (qui restent entre quinze minutes et quatre heures), 5% à des pendulaire­s (qui restent entre quatre et huit heures) et 75% à des personnes en transit». Swisscom assure que toutes les données sont anonymisée­s, agrégées et qu’aucun de ses clients n’est tracé individuel­lement.

Et ensuite? «Nous allons planifier de manière plus fine notre réseau routier et par exemple nos giratoires pour éviter que le flux de pendulaire n’augmente encore, pour améliorer la qualité de vie de nos habitants», a affirmé Alexandre Bosshard. Swisscom, qui continue à travailler sur ce projet, va aussi s’intéresser à Genève. L’opérateur va démarrer une expérience avec le canton pour examiner la mobilité sur l’ensemble de son territoire.

Il s’agit encore d’expérience­s. Mais en parallèle, Swisscom monnaie aussi ses services. Ainsi, il a décroché, en 2013, un contrat de trois ans avec l’Office fédéral des routes pour analyser les bouchons sur le réseau national. Avec à la clé un gain de 1,75 million de francs. Auparavant, Swisscom monnayait ces mêmes données à TomTom pour son système de navigation. Le Big Data permet de tracer des voitures. Mais aussi des humains. Sur le campus de l’EPFL se trouve une start-up, Visiosafe, active dans ce domaine et soutenue financière­ment par un certain… Swisscom. «Dans les bâtiments, qu’ils soient publics, qu’il s’agisse de centres commerciau­x ou de boutiques, il devient important de savoir qui passe par quel chemin, combien de temps il s’arrête et où il va. Le Big Data nous aide à connaître une foule de renseignem­ents utiles pour configurer des bâtiments ou améliorer la rentabilit­é de commerces», a expliqué Alain Alahi, fondateur et directeur de Visiosafe. La société a installé une centaine de capteurs dans la gare de Lausanne, capteurs qui communique­nt avec toutes les cartes SIM des clients de Swisscom. «Nous sommes capables de voir qu’à 10h52, il y a un engorgemen­t dans cette partie du passage sous-voie, et pouvons déterminer s’il s’agit de passagers se dirigeant vers un quai proche ou de personnes en transit», a poursuivi Alain Alahi.

Expérience­s prometteus­es

Pour Swisscom, ces expérience­s sont prometteus­es. «Clairement, le Big Data est un marché d’avenir, que ce soit pour utiliser au mieux toutes nos données ou pour aider les entreprise­s à mieux exploiter les données qu’elles ont ellesmêmes, a expliqué Iris Kornacker, responsabl­e de la division Big Data Solutions chez l’opérateur. Nous avons un savoir-faire à partager et ne sommes qu’au début de ces projets.» Swisscom compte par ailleurs continuer à financer des start-up actives dans ce domaine.

«Le Big Data nous permet de configurer des bâtiments ou d’améliorer la rentabilit­é des commerces»

 ?? (DENIS BALIBOUSE/REUTERS) ?? Swisscom a décroché un contrat de trois ans avec l’Office fédéral des routes pour analyser les bouchons à l’échelle nationale.
(DENIS BALIBOUSE/REUTERS) Swisscom a décroché un contrat de trois ans avec l’Office fédéral des routes pour analyser les bouchons à l’échelle nationale.

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