Le Temps

Le ralentisse­ment chinois frappe les pays émergents

- FRÉDÉRIC LELIÈVRE, HONGKONG

La croissance mondiale est révisée à la baisse, alors que le FMI et la BM tiennent leur assemblée annuelle dès vendredi au Pérou

Les unes après les autres, les prévisions sont revues à la baisse. Dernière institutio­n à passer à l’acte, le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) a annoncé mardi soir ne plus s’attendre à une croissance mondiale que de 3,1% cette année, et non plus 3,3% calculés en juillet. Celle des économies émergentes devrait ralentir à 4% au lieu de 4,2%. Des chiffres qui recoupent les estimation­s publiées lundi par la Banque mondiale (BM), qui relevait aussi que l’Afrique sub-saharienne allait connaître sa plus mauvaise année depuis 2009. La croissance n’y sera que de 3,7%, contre 4,6% l’an passé.

Ces chiffres sortent alors que le FMI et la BM tiennent leur assemblée annuelle à partir de vendredi au Pérou, à Lima. Leurs prévisions confortent celles publiées fin septembre à Hongkong par la Banque asiatique de développem­ent (BAD). La croissance de l’Asie dans son ensemble devrait décélérer à 5,8% cette année, contre les 6,3% calculés au printemps par la BAD.

A chaque fois, le ralentisse­ment de l’économie chinoise est pointé comme une des premières raisons expliquant le fléchissem­ent général. La BM ne voit plus la deuxième économie du monde croître cette année de 7,1%, mais de 6,9%, un chiffre juste au-dessous de l’objectif officiel de Pékin (7%). La BAD est plus pessimiste: elle a ramené sa prévision de 7,2% ce printemps à désormais 6,8%, le même chiffre que celui du FMI. Voilà pourquoi «la Chine va dominer les débats» à Lima, et non l’éternelle discussion sur le relèvement des taux d’intérêt aux Etats-Unis, écrivait dimanche le centre de recherche américain Brookings Institutio­n.

Les économiste­s ont largement commenté les raisons du ralentisse­ment chinois, imputé en particulie­r à une transforma­tion du modèle économique du pays. Davantage tournée vers la consommati­on intérieure et dotée d’une industrie désormais en surcapacit­é, l’usine du monde a moins besoin d’importer des matières premières, en particulie­r. Longtemps perçu comme un des champions des BRICS, le Brésil a prospéré en vendant ses ressources naturelles à la Chine. Son principal client désormais enrhumé, le poids lourd de l’Amérique latine se prépare à une récession. Son produit intérieur brut devrait se contracter de 2,7% cette année, a annoncé il y a dix jours la banque centrale. Quant au Pérou, son gouverneme­nt vient d’abaisser sa prévision de croissance à 3%, contre près de 4% auparavant.

Fragilité des Etats asiatiques

La BAD s’inquiète, elle aussi, de la fragilité des pays asiatiques riches en matières premières. Son économiste en chef, Shang-Jin Wei, a par exemple calculé qu’une croissance inférieure de 0,2 point en Chine réduisait celle de la Mongolie de 2,7 points. Au début des années 2010, ce pays connu pour son cuivre se développai­t au rythme de 12% par an. Un chiffre tombé à 3,7% pour 2015.

A Pékin, les autorités jurent cependant que la machine est sous contrôle et que les réformes continuent. Ce que nombre de financiers installés à Londres ou New York remettent en cause, en particulie­r depuis le krach boursier qui a ébranlé la bourse chinoise cet été. C’est d’ailleurs pour rassurer la communauté américaine des affaires que Xi Jinping a rencontré à Seattle, au début de sa visite d’Etat aux EtatsUnis le mois dernier, une brochette de patrons de grands groupes tels que Microsoft ou Boeing.

Tout ne va pas mal, tempère cependant Shang-Jin Wei, car si la croissance plie, elle ne rompt pas. «La création d’emplois et la consommati­on restent solides en Chine», justifie-t-il. Shang-Jin Wei relève encore que l’Asie en développem­ent demeure le principal contribute­ur (60%) de la croissance mondiale, loin devant les Etats-Unis (13%) ou la zone euro (6%).

Shang-Jin Wei souligne un autre point positif. La chute de la demande pour les matières premières a fait reculer leur prix. Les pays émergents bénéficien­t ainsi d’une faible inflation, note-t-il. L’Inde, dont la BAD a aussi revu les prévisions de croissance à la baisse, en a profité pour abaisser ses taux d’intérêt directeurs fin septembre. La banque centrale indienne a aussi exploité le délai offert par celle des Etats-Unis, qui a renoncé à relever le loyer de l’argent. Car les Américains doutent à leur tour de la vigueur de leur reprise.

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