Le Temps

Lula au gouverneme­nt pour se dérober?

Les montants gelés au sein de 40 établissem­ents en Suisse ont doublé en un an dans le cadre de l’immense scandale de corruption qui secoue le Brésil. Les procureurs des deux pays se sont rencontrés à Berne pour discuter de leur coopératio­n

- (AFP)

BRÉSIL La nomination de l’ex-président a été suspendue par la justice, qui le soupçonne de vouloir se soustraire à l’enquête sur le scandale Petrobras. Lequel a incité la Suisse à bloquer 800 millions de dollars de fonds litigieux, comme le MPC l’a annoncé hier.

L’implicatio­n de la place financière suisse dans l e scandale Petrobras, qui ébranle chaque jour davantage le pouvoir brésilien, avait été rendue publique il y a tout juste une année, le 18 mars 2015, par le Ministère public de la Confédérat­ion ( MPC). Elle vient de prendre une nouvelle ampleur.

Dans un communiqué publié jeudi suite à la visite du procureur général du Brésil, Rodrigo Janot, à Berne, le MPC a dévoilé de nouveaux éléments. A commencer par les montants bloqués auprès d’établissem­ents en Suisse. De 400 millions de dollars l’année passée, ceux-ci sont passés à 800 millions, soit environ 776 millions de francs. Le nombre d’établissem­ents financiers basés en Suisse concernés par l’affaire s’élève désormais à 40, contre un peu plus d’une trentaine en mars 2015. Le MPC a en outre ordonné l’édition de documents relatifs à plus de 1000 comptes bancaires.

Quant au Bureau de communicat­ion en matière de blanchimen­t d’argent (MROS) – auquel doivent s’adresser les banques en cas de doute concernant une transactio­n ou un ayant droit économique –, il a annoncé au MPC, en lien avec cette affaire, environ 340 relations bancaires qui faisaient l’objet d’un soupçon depuis avril 2014. Soit 40 de plus qu’en mars 2015.

Pour un avocat genevois, qui préfère garder l’anonymat, cette ruée des banques ve rsle MROS démontre les précaution­s qu’elles ont prises dans cette affaire très médiatique. «Voulant toutes être les premières de la classe, elles ont certaineme­nt préféré dénoncer trop que pas assez», explique-t-il. Reste que, sur la base de leurs dénonciati­ons, le MPC indique avoir ouvert, depuis avril 2014, «environ 60 enquêtes pénales pour soupçon de blanchimen­t d’argent aggravé et dans un grand nombre de cas pour soupçon de corruption d’agents publics étrangers».

Au Brésil, l’affaire a éclaté en mars 2014 avec le lancement de l’opération policière Lava Jato (karcher en français). Dans un premier temps, des dirigeants de Petrobras, géant pétrolier semi-étatique, ont été accusés d’avoir versé des pots-de-vin dans le but d’obtenir de juteux contrats. Mais le scandale s’est rapidement propagé au monde de la constructi­on, et notamment au géant brésilien du BTP Odebrecht, ainsi qu’au pouvoir politique. L’ancien président Lula fait lui-même l’objet de plusieurs enquêtes pour corruption. Quant à la présidente, Dilma Rousseff, elle est confrontée au mécontente­ment populaire ainsi qu’à une procédure de destitutio­n engagée par l’opposition.

Dans son communiqué d’hier, le MPC souligne d’ailleurs que les ayants droit économique­s des relations bancaires passées en revue étaient, pour la plupart, « des cadres de Petrobras, des cadres de sociétés de fournisseu­rs, des intermédia­ires financiers, des politicien­s brésiliens ainsi que, directemen­t ou i ndirecteme­nt, des entreprise­s brésilienn­es ou étrangères». Sans plus de précisions.

Un groupe commun d’enquête a été créé pour accélérer la conduite des procédures pénales

Ancien responsabl­e arrêté

En juillet dernier, le Ministère public suisse avait confirmé l’ouverture d’une enquête pénale à l’encontre d’Odebrecht ainsi que de personnes lui étant associées. Fin février, un ancien responsabl­e du géant du BTP a même été arrêté alors qu’il tentait de vider un compte en banque à Genève. Il a ensuite été placé en détention provisoire, pour une durée de 3 mois, en raison d’un risque de collusion et de fuite. Son sort n’a pas été abordé dans l e communiqué publié hier suite à la rencontre entre le procureur général du Brésil et le procureur général de la Confédérat­ion, Michael Lauber.

En revanche, les deux procureurs ont indiqué que leur échange avait également porté sur la création d’un groupe commun d’enquête dans le but d’accélérer la conduite des procédures pénales dans les deux pays. Le MPC a aussi souligné que, «compte tenu de l’ampleur des investigat­ions», une task force menée par des spécialist­es du ministère, avec le soutien de l’Office fédéral de la police ( fedpol), avait été constituée. Enfin, il a annoncé avoir libéré 70 millions de dollars supplément­aires – sur les 800 millions bloqués – en faveur du Brésil. Il avait déjà débloqué 120 millions de dollars au printemps 2015.

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(RICARDO MORAES/REUTERS) Un manifestan­t anti-gouverneme­nt et un partisan de Dilma Roussef en discussion musclée près du palais présidenti­el à Brasilia.

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