La BNS maintient, et maintiendra, ses taux d’intérêt négatifs
La fourchette de fluctuation du Libor a été confirmée jeudi matin entre –1,25% et –0,25%, sans changement depuis janvier 2015. Les prévisions de croissance et d’inflation ont été révisées vers le bas
Instaurés voici plus d’un an, les taux d’intérêt négatifs devraient durer longtemps encore. La Banque nationale suisse (BNS) a confirmé jeudi matin, en conclusion de son examen trimestriel de la situation économique, le maintien de la fourchette de fluctuation du taux Libor, son principal instrument de politique monétaire, entre –1,25% et –0,25%. La médiane reste ainsi à –0,75%, inchangée depuis l’abandon du cours plancher et l’approfondissement des taux négatifs le 15 janvier 2015.
La BNS justifie sa décision par le fait que «le franc est toujours nettement surévalué», et que «le taux d’intérêt négatif réduit l’attrait des placements en francs». L’institution a expliqué à maintes reprises qu’elle cherche à maintenir un différentiel de taux d’intérêt entre le franc et l’euro. Or, ce différentiel s’est réduit jeudi 10 mars à la suite de la décision de la Banque centrale européenne (BCE) d’abaisser le taux de refinancement (refi), son outil principal, à 0% au lieu de 0,3%.
Cependant, le taux de change entre la devise helvétique et la monnaie unique n’a pratiquement pas varié pendant la semaine séparant les décisions des deux banques centrales. Il a constamment affiché un cours compris entre 1,095 et 1,098 franc pour un euro. Et cela, sans que la BNS n’ait à intervenir massivement sur les marchés des changes. «Ses interventions sont restées marginales», explique Samy Chaar, stratège en investissement chez Lombard Odier, à Genève. Jeudi matin, le franc s’est toutefois affaibli face à l’euro, à 1,0995, avant de se raffermir quelque peu.
Prévisions de croissance abaissées
Néanmoins, la BNS a légèrement abaissé ses prévisions de croissance économique et d’inflation pour les prochains douze à vingt-quatre mois. Le PIB ne devrait plus progresser qu’entre 1% et 1,5% en 2016, alors que les prévisions de décembre dernier tablaient sur une expansion de 1,5%. Cette révision est voisine de celle qu’a publiée le Seco jeudi matin, qui a ramené ses prévisions de croissance à 1,4% au lieu de 1,5%. La prévision d’inflation est aussi abaissée à –0,8% pour cette année et à 0,1% l’an prochain, au lieu de respectivement –0,5% et 0,3%. Pour sa part, le Seco est un tout petit peu plus optimiste: il anticipe une inflation de –0,6% cette année et de 0,2% l’an prochain.
La BNS attribue la dégradation de ses prévisions de croissance et d’inflation à la baisse des prix du pétrole, pour le court terme, et, pour le plus long terme, à la dégradation des perspectives de l’économie mondiale et le faible niveau du renchérissement à l’échelle internationale. «La reprise devrait se poursuivre à un rythme modéré dans les pays industrialisés, et la croissance continuer de faiblir en Chine», observe-t-elle dans son communiqué. Et de noter que «les risques restent par ailleurs importants. Les mutations structurelles complexes de l’économie chinoise présentent des dangers pour la demande mondiale.»
La Banque nationale porte cependant elle-même une part de responsabilité dans cette dégradation de l’économie suisse, affirme, dans une note, Laurent Bakhtiari, analyste chez IG Bank (Suisse): «La BNS sait quel est l’impact du taux de change sur la croissance et l’inflation. De plus, le principal partenaire de la Suisse [la zone euro] est en train de voir sa monnaie s’affaiblir alors que ses taux de croissance et d’inflation resteront bas pour les deux années à venir au moins. Par consé- quent, la Suisse s’en trouvera affectée et explique partiellement pourquoi la BNS a révisé ses attentes à la baisse.»
La pression sur le taux de change devrait néanmoins diminuer à l’avenir, espère Samy Chaar. «Le cours d’équilibre se situe entre 1,15 et 1,20 franc pour un euro, en raison de l’affaiblissement de la conjoncture helvétique et du différentiel de taux d’intérêt.» Cependant, ajoute-t-il, «les marchés ne feront pas facilement ce cadeau à la BNS en raison de la taille gigantesque de ses réserves de devises».
Par communiqué, l’Union syndicale suisse (USS) a réaffirmé son exigence d’«instauration d’un cours plancher ou d’un objectif de cours, tous deux explicites. Les intérêts négatifs peuvent certes faciliter la mise en oeuvre de cet objectif de cours. Mais à eux seuls, ils ne produisent que des effets limités.» Economiesuisse, au contraire, estime que «la BNS n’a aucune marge de manoeuvre tant que la BCE maintient sa politique expansive», souligne son économiste en chef Rudolf Minsch. Mais l’association patronale «espère que les taux négatifs disparaîtront à plus ou moins long terme».