Au travail plutôt qu’à l’aide sociale: des pistes pour intégrer les réfugiés
L’intégration professionnelle des réfugiés réduirait le montant de leur prise en charge. La Conférence des institutions d’action sociale livre ses recommandations
En théorie, tout est clair: la Suisse doit intégrer davantage les réfugiés et personnes admises à titre provisoire sur le marché du travail, à l’instar de l’Allemagne. Car, si moins de 1% de la population résidente helvétique relève de l’asile (environ 110000 personnes fin 2015), le potentiel d’employabilité de ce groupe de population reste important.
Les autorités y voient un triple objectif. Une bonne intégration des réfugiés constitue le grand défi lié à la vague migratoire actuelle et à une démographie vieillissante. Qui dit emploi dit aussi sortie de l’aide sociale, pour le bien des finances cantonales et communales. Et puis, le Conseil fédéral compte mieux exploiter le potentiel de main-d’oeuvre indigène en réponse à l’initiative UDC «Contre l’immigration de masse». Les réfugiés reconnus (permis B), réfugiés et personnes admises à titre provisoire (permis F) et requérants d’asile (permis N), font partie de ce potentiel.
80% à l’aide sociale pendant au moins cinq ans
Voilà pour la théorie. La pratique est moins rose. La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) organisait une journée sur ce thème, jeudi, à Bienne. Des cas de bonne pratique (voir ci-dessous) ont été présentés ainsi que des recommandations. La CSIAS réclame en urgence des mesures immédiatement réalisables et efficaces. Les projets pilotes lancés aujourd’hui ne suffiront pas. L’offensive de la Confédération dans le milieu agricole n’a impliqué pour l’heure qu’une quinzaine de réfugiés. Quant au programme de préapprentissage, il ne déploiera ses effets qu’en 2018, a indiqué le secrétaire d’Etat aux Migrations, Mario Gattiker.
Or, les statistiques sont inquiétantes. Fin 2015, le taux d’activité des réfugiés reconnus était de 21%, de 30% pour les admis provisoires. Après dix ans passés en Suisse, leurs taux d’activité s’affichent à respectivement 48 et 25%, avec une grande part de working poors. Plus de 80% des personnes déposant une demande d’asile ont besoin de l’aide sociale pendant leurs cinq à sept premières années en Suisse.
A qui la faute? Les employeurs dénoncent de multiples obstacles administratifs à l’embauche de réfugiés. «Les portes sont fermées et ce n’est pas nous qui les avons fermées», a souligné jeudi Philipp Sax, responsable de la formation à l’Union professionnelle suisse de la viande. Le Conseil fédéral a promis de lever bientôt certaines de ces barrières. La taxe de 10% prélevée sur le salaire des personnes admises à titre provisoire et des requérants d’asile doit être abolie, l’autorisation de travail simplifiée et ce fameux statut «provisoire» au no m ré pu ls i f po u r les employeurs devrait être modifié. Mais, préviennent les patrons, savoir la langue reste un préalable indispensable à l’emploi et le manque de qualification des per- sonnes émargeant à l’asile (30% n’ont ni certificat, ni expérience professionnelle) reste un réel handicap.
5000 places d’initiation professionnelle
La Conférence suisse des institutions d’action sociale plaide ainsi pour une large offensive de cours d’initiation professionnelle. Elle a fait son calcul. A moyen terme, 5000 places seraient nécessaires, pour un coût annuel de 125 millions (25000 francs par personne). Cela reste modeste, dit la CSIAS. Si la personne formée voit sa dépendance à l’aide sociale réduite d’un an, alors les coûts de sa formation sont couverts. Mais la dépense initiale dépasse malgré tout le forfait d’intégration de 6000 francs par personne octroyé par la Confédération aux cantons, souligne la CSIAS. Qui paiera le surplus? La question est restée en suspens jeudi. Tout comme celle de l’obligation pour tout réfugié de suivre un tel cours, et par ricochet, pour l’économie de mettre à disposition les formations nécessaires.