Le Temps

Fonctionna­ire ou employé?

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Un récent colloque à l’Université de Neuchâtel comparait la condition d’employé dans le secteur privé avec le statut de fonctionna­ire dans le secteur public.

L’idée était que ces deux régimes (contrat de travail, rapports de droit public) tendent à se rapprocher. Pour certains, ils en viendraien­t un jour à se fondre en un seul.

Cette perspectiv­e apparaît peut-être au point de fuite de l’horizon. En attendant, examinons quelques aspects.

Dans le cadre du contrat de travail, chaque partie est liée par ses engagement­s. Aucune d’entre elles ne peut modifier unilatéral­ement l’accord intervenu. L’employeur qui essuie des pertes n’est pas autorisé à réduire les salaires de son propre chef (mais il peut supprimer des emplois). Dans la fonction publique, au contraire, l’Etat décide unilatéral­ement des conditions de travail. Il peut réduire les traitement­s de son propre chef, s’il l’estime nécessaire. C’est déjà arrivé! La diffé- rence est de taille: les partisans de la privatisat­ion de la fonction publique l’oublient souvent et, lorsqu’ils s’en aperçoiven­t, battent parfois en retraite.

Autre exemple. Lorsqu’elle veut mettre fin à un rapport de service, l’administra­tion doit d’abord entendre l’intéressé. Le plus souvent, la violation du droit d’être entendu entache de nullité la décision de résiliatio­n. Dans le secteur privé, au contraire, l’employeur est libre de licencier sans entendre préalablem­ent le salarié. Il est toutefois tenu d’indiquer ses motifs si l’employé licencié les demande. Sur ce point, la situation paraît évoluer. Récemment, le Tribunal fédéral a déduit de l’obligation de protéger la personnali­té du travailleu­r l’obligation, à la charge de l’employeur, d’entendre un salarié âgé avant de le licencier, vu les lourdes conséquenc­es de la séparation.

Cette dérogation jurisprude­ntielle en a surpris plus d’un, car elle ne s’inscrit pas dans les vues du législateu­r historique. Mais peut-être un jour, grâce à la baguette magique du Tribunal fédéral, l’exception deviendra-t-elle la règle.

Le troisième aspect se rapporte à l’effet d’une résiliatio­n injustifié­e. En principe, lorsque l’administra­tion prend une décision contraire à la loi, cette décision est nulle. Le fonctionna­ire victime d’une résiliatio­n injustifié­e devrait donc être réintégré. Cependant, le législateu­r renonce de plus en plus souvent, dans ce cas, à la réintégrat­ion; il la remplace par une indemnité.

En droit privé, l’indemnité est de règle, la réintégrat­ion n’intervenan­t que dans des cas rarissimes. Certains souhaitera­ient que le régime privé se rapproche du public. C’est un paradoxe, car, en fait, dans ce domaine, c’est plutôt le régime public qui se rapproche du privé.

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GABRIEL AUBERT AVOCAT AU BARREAU DE GENÈVE ET PROFESSEUR HONORAIRE

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