Le Temps

Un verdict inédit qui a valeur d’exemple

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D

C’est une double première. Premier procès suisse concernant des individus accusés de liens avec l’Etat islamique (EI), et première lourde condamnati­on pour terrorisme. Avec le procès des quatre Irakiens qui s’est déroulé au Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone, un cap a été franchi. Le Ministère public de la Confédérat­ion (MPC), c’est une bonne nouvelle pour lui, est parvenu à faire condamner trois des quatre accusés à des peines conséquent­es. Accusé d’avoir implanté une cellule de l’EI en Suisse, le «chef», Osamah, écope de 4 ans et 8 mois de prison. Pour participat­ion et soutien à une organisati­on terroriste. Un verdict inédit censé servir d’exemple. Et qui sonne comme un avertissem­ent.

Certes, on peut s’interroger sur la solidité des preuves. Car il a beaucoup été question de «pastèques» et de «cuire du pain» pendant le procès. Le MPC s’est essentiell­ement basé sur l’intercep- tion de communicat­ions via Skype et Facebook pour bâtir son accusation. Avec un langage codé des plus surréalist­es. Les pastèques seraient des bombes, et cuire du pain signifiera­it préparer des explosifs. Ou pas.

Dans le doute, les juges n’ont pas retenu la peine la plus élevée – le MPC avait requis 7 ans et demi contre deux des prévenus. Mais ils ont été convaincus des liens étroits des accusés avec l’Etat islamique, qu’il y ait eu projet d’attentat ou pas. Et ont voulu frapper fort.

En mai 2014, deux frères kurdes d’Irak avaient déjà été condamnés à 2 et 3 ans de prison, pour soutien à une organisati­on à buts terroriste­s, en l’occurrence Al-Qaida. En 2007, par contre, le TPF s’était montré clément vis-à-vis de Malika el-Aroud et Moez Garsallaou­i, qui faisaient de la propagande terroriste islamiste depuis la bourgade fribourgeo­ise de Guin. Moez Garsallaou­i, condamné à 24 mois, était parvenu à filer entre les doigts de la justice… pour ensuite gravir les échelons hiérar- chiques d’Al-Qaida au Pakistan et mourir sous les frappes d’un drone.

Ce nouveau verdict prouve que la justice suisse se veut plus intransige­ante sur ce terrain sensible. Pas question que la Suisse – qui a longtemps cru que le phénomène ne la concernait pas – soit le ventre mou de la lutte contre le terrorisme. Il démontre surtout qu’une cellule de l’EI existait en Suisse. Une preuve supplément­aire que la collaborat­ion avec les services de renseignem­ent étrangers a tout intérêt à se renforcer. Le prochain défi sera de juger les djihadiste­s qui reviennent. Le Conseil national vient justement de demander, à une courte majorité, de punir plus sévèrement ceux qui s’adonnent à des activités terroriste­s à l’étranger. En faisant passer la peine maximale de 3 ans de prison à 10. Une arme de dissuasion désormais nécessaire au vu de la gravité de la menace.

La justice suisse se veut plus intransige­ante face au terrorisme

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