Le Temps

Fin de cavale pour Salah Abdeslam

Le principal suspect recherché après les attentats de Paris a été capturé à Bruxelles. Il a joui de solides complicité­s pour échapper durant quatre mois à la police.

- SALAH ABDESLAM

Qui protégeait Salah Abdeslam? Comment ce fêtard de 26 ans, embrigadé par l’Etat islamique jusqu’à devenir l’un des auteurs des attentats du 13 novembre à Paris, a-t-il pu échapper, pendant quatre mois, à toutes les polices d’Europe. Que s’est-il passé dans les derniers instants avant sa reddition aux forces de sécurité belges qui l’ont interpellé vendredi vers 17 heures, à l’issue d’une fusillade, à Molenbeek-Saint-Jean, la commune bruxellois­e où ce Français d’origine marocaine résidait avec ses parents et ses quatre frères? Et quel rôle, surtout, a-t-il vraiment joué dans cette nuit fatale du 13 au 14 novembre, qui le vit participer à l’assaut contre les cafés parisiens, avant de laisser son frère Brahim se faire exploser au Comptoir Voltaire, et d’échouer à Montreuil, où deux de ses amis, Hamza Attou et Mohamed Amri, sont descendus de Bruxelles le récupérer en voiture? Ils le déposeront le samedi 14 vers 10 heures du matin, près d’une station de métro de Laeken, une commune voisine de Molenbeek.

Sur toutes ces questions, les enquêteurs belges et français vont, à n’en pas douter, l’interroger sans relâche, une fois que son état de santé le permettra. Blessé à la jambe vendredi, à l’issue du siège de son ultime refuge, un appartemen­t situé au 79, rue des Quatre-Vents à Molenbeek, cette commune à forte population musulmane s urnommée l e «Molenbeeki­stan». Coïncidenc­e extraordin­aire: le président fran- cais François Hollande était alors au Conseil européen, à Bruxelles, ou il a suivi l’arrestatio­n au côté du premier ministre belge Charles Michel, appelant très vite à l’extraditio­n d’Abdeslam en France.

Le simple fait de l’avoir arrêté vivant, alors que tous ses comparses se sont fait exploser ou ont été tués par les forces de police depuis l a nuit des attentats, notamment lors de l’assaut contre un immeuble de Saint-Denis le 18 novembre, est un événement majeur. Jusque-là, tous les complices arrêtés, tels Hamza Attou et Mohamed Amri – toujours détenus à Bruxelles – ont donné aux policiers des versions confuses ou de seconde main. Salah Abdeslam, en revanche, connaît a priori tous les secrets de l’organisati­on de cette tragique expédition qui coûta la vie à 130 personnes, au Bataclan, au Stade de France, au restaurant Le Petit Cambodge, à la pizzeria Casa Nostra ou au café La Belle Equipe, non loin de la place de la République.

Incroyable baraka

Salah Abdeslam a acheté, dans un magasin de feux d’artifice en octobre 2015, lors d’une première descente à Paris, les mises à feu nécessaire­s pour déclencher les bombes. Il conduisait l’un des deux véhicules utilisés le 13 novembre, de marque Seat. Il connaissai­t de longue date le leader présumé de l’opération, Abdelhamid Abaaoud, dont le cadavre a été retrouvé dans les gravats de la rue du Corbillon, à Saint-Denis. Il connaissai­t aussi Bilal Hadfi, l’un des kamikazes du Stade de France.

Son interpella­tion met surtout fin à une incroyable baraka, pour ce fugitif qui, en quatre mois, avait au moins échappé à quatre reprises aux policiers lancés à ses trousses. Premier ratage dans la nuit du 14 novembre, alors que la France ensanglant­ée est sous le choc: la voiture qui ramène Salah Abdeslam en Belgique, via l’autoroute du Nord, est contrôlée trois fois par des barrages de gendarmes. L’ultime intercepti­on, près de Cambrai (Nord), a lieu à 9h10. Le véhicule est arrêté. Son conducteur descend. A l’arrière, le terroriste serre contre lui une ceinture d’explosifs. Questions de routine. Abdeslam ne figure alors pas sur le fichier des personnes recherchée­s en France, malgré sa tentative de se rendre en Syrie en janvier 2015, son arrestatio­n par les autorités turques, puis son interrogat­oire en Belgique. Le piège de la mauvaise coordinati­on policière f ranco- belge s’e s t refermé.

Par trois fois, selon la presse, Salah Abdeslam passe ensuite de nouveau entre les mailles du filet tendu à Bruxelles. Le 16 novembre, une équipe en poste devant un appartemen­t de Molenbeek le rate car elle tarde à intervenir. L’homme, dit-on, s’échappe alors caché dans un meuble que l’on déménage. En décembre, le voici à Schaerbeek, autre quartier à forte population immigrée, où il s’échappe d’un appartemen­t avant que celui-ci ne soit investi par les enquêteurs. Dernier épisode enfin en début de semaine, à Forest, rue de Dries, derrière l’énorme usine Audi visible des voies de TGV Paris-Bruxelles. Une perquisiti­on banale d’un appartemen­t sans eau, ni électricit­é se transforme en bataille rangée. Un homme, Algérien en situation illégale, est tué. Deux autres s’échappent, dont sans doute Salah Abdeslam.

Vendredi matin, l a poli c e annonce officielle­ment avoir retrouvé à Forest ses empreintes digitales et des traces d’ADN. L’objectif est sans doute de le faire bouger. La traque touche à sa fin. Le fugitif ne se suicide pas. Une attitude qui pourrait confirmer ce que beaucoup pensent: Abdeslam, le terroriste le plus recherché d’Europe, n’était pas une recrue fiable. Le tueur de l’Etat islamique, sitôt les attentats commis, ne cherchait en fait qu’à sauver sa peau.

Le terroriste ne cherchait en fait qu’à sauver sa peau

 ?? (VTM/NIEUWS) ?? L’arrestatio­n du fugitif par les troupes spéciales de la police dans le quartier de Molenbeek.
(VTM/NIEUWS) L’arrestatio­n du fugitif par les troupes spéciales de la police dans le quartier de Molenbeek.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland