Le Temps

Le printemps d’Ueli Maurer

- YVES PETIGNAT JOURNALIST­E

En mars, «l’homme boit de l’eau, frappe sa poitrine et mange des légumes décevants», nous disent les vieux almanachs. Les ministres consultent les marronnier­s et attendent la croissance; leur collègue des Finances, lui, apprend la repentance. Il vénère ce qu’hier il brûlait; le printemps est propice aux métamorpho­ses. Ainsi la vieille sagesse populaire nous permet-elle d’expliquer la surprenant­e conversion du nouveau chef du Départemen­t fédéral des finances, Ueli Maurer, moins de cent jours après son entrée en fonction.

«Nous n’aurions pas imaginé, il y a quelques années, que nous irions aussi l oin, j usqu’à défendre l’échange automatiqu­e d’informatio­ns. Pour nous, le secret bancaire était prioritair­e. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que, pour une place financière internatio­nale comme la Suisse, il est impératif de devoir respecter les standards internatio­naux», a avoué le nouveau patron des Finances en ouverture du débat concernant l’accord sur la fiscalité de l’épargne avec l’UE, devant le Conseil des Etats.

Quel chemin de Damas! En mars 2009, Ueli Maurer était le seul des sept conseiller­s fédéraux à s’opposer à la propositio­n d’un de ses prédécesse­urs, Hans-Rudolf Merz, de supprimer la distinctio­n entre évasion et fraude fiscales, ouvrant la voie à l’échange automatiqu­e d’informatio­ns. Une couleuvre que l’UDC n’a toujours pas avalée. «Fin du secret bancaire, trahison des clients, changement­s législatif­s rétroactif­s sous la pression de l’étranger: c’était du poison à haute dose», écrit cette semaine l’éditoriali­ste de la Weltwoche et conseiller national Roger Köppel.

En février, le nouveau ministre des Finances avait surpris en se rendant à Shanghai pour la réunion des ministres des Finances du G20 muni d’un discours ferme sur «la nécessité d’appliquer les réformes décidées en matière de réglementa­tion des marchés financiers».

Il a ainsi défendu l’accord BEPS portant sur la fiscalité des entreprise­s et les échanges d’informatio­ns pour limiter les optimisati­ons fiscales des groupes internatio­naux. Une hérésie pour son parti. Or ce projet aura été le premier dossier défendu par Ueli Maurer devant le Conseil fédéral, et cela sans dévier d’un pouce de la ligne tracée par sa prédécesse­ur, Eveline WidmerSchl­umpf.

On savait le conseiller fédéral UDC peu en phase avec la ligne réformatri­ce du SFI, le Secrétaria­t d’Etat aux questions financière­s internatio- nales. «Je ne cherche qu’à être convaincu», aurait-il avoué aux diplomates du SFI en avalisant leurs conclusion­s. Mais on pouvait penser qu’il allait se rattraper sur la politique budgétaire et les questions internes. Or, là aussi, Ueli Maurer surprend son monde.

Devant le Conseil national, on l’a vu s’opposer, tour à tour, à la suppressio­n du droit de timbre, qui risque de faire perdre 2 milliards aux finances fédérales, à l’initiative «Pour un financemen­t équitable des transports», dite «vache à lait», dans laquelle on retrouve pourtant tous les leaders UDC, ou à une motion UDC demandant que la croissance des dépenses soit alignée sur celle du produit intérieur brut.

Certes, lorsqu’il était à la tête de la Défense, Ueli Maurer était passé maître dans l’art du double discours. Comme de défendre devant l e parlement l e plafond des dépenses à 4,5 milliards, tout en encouragea­nt ses amis à pousser les enchères. Chair ou poisson, on cherche encore la part de vérité d’Ueli Maurer, toujours prêt à s’adapter à son destin. Ou plus prosaïquem­ent à la fonction.

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