Le Temps

Retour vers le futur pour les horlogers

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Les horlogers vontils se remettre de la crise qui les étreint? Bien sûr! Vont-ils pour autant apprendre de celle-ci? Rien n’est moins évident, prisonnier­s qu’ils sont d’une industrie qui fonctionne par cycles. Le monde de l’horlogerie a des particular­ités qui font que tout change tout le temps… pour que rien ne change vraiment. La structure du marché a tout d’abord ses spécificit­és avec un développem­ent des produits en amont – deux ans en moyenne – puis une mise à dispositio­n dans un réseau de distributi­on qui, la plupart du temps, n’appartient pas aux fabricants. Se joue alors un jeu ou chacun se tient par la barbichett­e sur le mode: «Si tu ne me prends pas mes montres cette fois, je ne te livrerai pas la prochaine fois.» Au moindre ralentisse­ment, le réseau de vente voit ses canaux obstrués par des montagnes de stocks, car les commandes ont été passées par beau temps et arrivent quand le cycle s’est retourné.

2016 ressemble pour le coup fort à 2009, quand le marché s’était effondré avec la crise financière initiée par la faillite de Lehman Brothers. Les détaillant­s ont des tonnes de marchandis­es sur les bras et les horlogers se voient contraints de continuer à produire: il faut bien faire tourner les usines. Ils baissent alors les prix et, à Baselworld en mars comme au SIHH en janvier, les marques ont toutes plus ou moins le même discours: moins de modèles proposés et des prix d’entrée beaucoup plus attractifs. Quand TAG Heuer propose, sous l’impulsion de Jean-Claude Biver, un tourbillon – une des complicati­ons horlogères les plus abouties – à 15 000 francs, c’est un signal.

Dans cette phase du cycle, toute la chaîne de valeur de cette industrie tire la langue. Richemont a annoncé 350 suppressio­ns de postes et commence à détailler l’impact de la restructur­ation marque par marque. LVMH connaîtra sûrement des suppressio­ns de postes, Zenith est en ligne de mire dans ce processus, et les sous-traitants des manufactur­es ont déjà payé un lourd tribut. Ce n’est pas terminé. Les réseaux de vente souffrent au Moyen-Orient, où les budgets ont été calculés sur un pétrole à 80 dollars le baril, comme en Russie ou en Ukraine, où l’instabilit­é économique et politique produit de gros dégâts. La Suisse ne sera pas épargnée dans ce domaine. Les touristes chinois qui se détournent de l’Europe depuis les attentats de Paris ne viennent plus faire leur étape à Genève ou Interlaken. Le cycle horloger repartira à la hausse. Reste à savoir maintenant quelle sera l’étincelle qui fera redémarrer le marché.

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