«Vache à lait» piège les leaders bourgeois
Petra Gössi et Gerhard Pfister, futurs présidents du PLR et du PDC, font partie du comité de l’initiative «Vache à lait», qui veut puiser 1,5 milliard dans la caisse fédérale pour financer la route. Leurs partis risquent de ne pas soutenir l’idée
Qu’il est difficile d’être président de parti – ou candidat – lorsque l’on ne partage pas l’avis de la majorité de ses ouailles. Futurs leaders du PLR et du PDC, Petra Gössi et Gerhard Pfister en font l’amère expérience avec l’initiative «Vache à lait», soumise au verdict populaire le 5 juin. Tous deux sont membres du comité d’initiative. Mais ils sont obligés de s’abstenir car leurs partis vont vraisemblablement la combattre.
Interrogés par Le Temps, les deux candidats adoptent la même prudence. «Je me tiendrai à l’écart de la campagne. J’en ai déjà parlé avec le comité. Le PDC prendra formellement position le 23 avril, soit le jour de mon élection à la présidence. Ce serait une grande surprise s’il décidait de soutenir l’initiative», confie Gerhard Pfister. Au parlement, les démocrates-chrétiens ont massivement rejeté ce texte constitutionnel. Ils n’ont été que deux à l’appuyer: Gerhard Pfister et Fabio Regazzi, également membre du comité «Vache à lait».
«Je ne peux pas m’engager pour cette initiative alors que la majorité du groupe parlementaire a voté contre elle», dit de son côté Petra Gössi, qui a signé la plupart des éditoriaux de la newsletter du comité d’initiative. Au PLR, le scénario est le même qu’au PDC: la recommandation de vote sera formellement adoptée le 16 avril, le même jour que l’élection de la présidence du parti.
Mais la situation est un peu plus complexe. Plusieurs libéraux-radicaux appartiennent au comité «Vache à lait» et le groupe a été très divisé au parlement: 14 conseillers nationaux et quatre conseillers aux Etats ont voté contre ce texte, 12 conseillers nationaux – dont Petra Gössi – l’ont soutenu alors que quatre conseillers nationaux et six sénateurs se sont abstenus.
A Berne, on spécule sur une recommandation de rejet de la part de l’assemblée du PLR le 16 avril. Notamment parce qu’economiesuisse a pris ses distances. L’o r ganisati on a décidé e n novembre déjà de s’opposer à cette initiative, qui priverait les caisses fédérales de 1,5 milliard de recettes annuelles, un manque à gagner qui s’ajouterait à celui de la troisième réforme fiscale des entreprises, prioritaire pour elle. Economiesuisse considère que la pression exercée sur le financement du futur Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération ( Forta) a porté ses fruits. Elle a ainsi atteint son but.
L’initiative, dont le nom complet est «Pour un financement équit able des t ransports » , veut détourner vers le fonds routier la totalité des recettes de la taxe de base sur les carburants, soit 3 milliards par an. Aujourd’hui, seule la moitié de ce montant est affec- tée à la route, l’autre moitié étant versée dans la caisse générale de la Confédération.
Portée par Auto- Suisse et l’Union suisse des arts et métiers (USAM), soutenue par le TCS, l’ACS et l’UDC, elle a été lancée dans le but de faire pression sur le fonds routier. Elle veut faire barrage à toute hausse des taxes sur l’essence pour le financer. Les initiants estiment qu’il faut commencer par redonner à la route les recettes de ces taxes. Ils ont été en partie entendus par le Conseil des Etats.
Mardi, il a décidé de porter de 50 à 60% au maximum la part de la taxe de base revenant à la route, ce qui fait 250 à 300 millions de plus par an, à quoi il faut ajouter les 400 millions de l’impôt sur les automobiles. En contrepartie, l’adaptation de la surtaxe a été limitée à 4 centimes par litre. «Nous avons fait un grand pas en direction de «Vache à lait», commente le président de la Commission des transports du Conseil des Etats, Olivier Français (PLR/VD).
Seul candidat à la deuxième vice-présidence romande du PLR, Philippe Nantermod confirme. «En tant que Jeune PLR, j’étais pour «Vache à lait». L’initiative a contribué à faire pression sur le Forta. Si je suis élu et que le PLR décide de la rejeter, je ne m’enga- gerai pas pour l a soutenir » , explique-t-il. En revanche, le nouveau président des Jeunes PLR, Andri Silberschmidt, mouillera sa chemise pour défendre «Vache à lait».
Cette s i tuation embarrassante empêche le PLR de prendre les commandes de la campagne d’opposition à l’initiative. «C’est difficile puisque certains de nos membres font partie du comité», regrette le chef du groupe parlementaire, Ignazio Cassis. C’est donc le PS qui jouera ce rôle. «Nous allons constituer un comité interpartis, mais nous risquons d’avoir peu d’argent», avertit le chef du groupe, Roger Nordmann. En face, il y aura la machine de guerre de l’USAM.
Roger Nordmann compte cependant sur les arguments. Si l’initiative est acceptée, elle entrera en vigueur immédiatement et il faudra rapidement diminuer les dépenses fédérales d’environ 125 millions par mois. La formation et la recherche, le trafic régional, la défense, l’agriculture et les relations avec l’étranger seraient les plus touchés.
Le comité d’initiative lance sa campagne lundi à Zurich. Sans Petra Gössi ni Gerhard Pfister.
«Ce serait une grande surprise si le PDC soutenait cette initiative»