Le Temps

L’inspecteur Constantin mène l’enquête

Régulièrem­ent, l’humoriste Nathanaël Rochat nous parle de sport. Il revient aujourd’hui sur l’arbitrage du match qui opposait le FC Sion aux Young Boys

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On parle surtout des arbitres quand ils font mal leur travail. Sinon, ils passent inaperçus. Ce doit être tentant pour finir. Par exemple, n’étant pas un puit s de c o nnaissance, j usqu’à dimanche dernier, j’ignorais qui était Monsieur Amhof. Mais depuis je sais son nom, puisqu’il s’est fait connaître en prenant une série de décisions surprenant­es à l’occasion du match Young Boys contre Sion à Berne. Il est de toute façon utopique d’attendre de gens qui ont fait l’excellent choix de devenir a rbi t re de Super League qu’ils prennent toujours des bonnes décisions.

Il est vrai que le FC Sion a été volé au cours de ce match. Surtout par Sulejmani, l’attaquant des Young Boys, lequel, non content d’être en position de hors-jeu, a abusé l’arbitre en se faisant l’auteur d’une grossière simulation qui a entraîné l’expulsion du gardien sédunois et un penalty que le joueur bernois n’a même pas eu le cran de tirer lui-même. Idéalement, c’est sur lui que devraient s’abattre les critiques, pas sur l’arbitre qui est quelque part aussi victime de cette tricherie.

Monsieur Amhof n’a pas été bon, ça ne constitue pas encore un délit. Dans l’esprit de certains pourtant, ces faits de jeu pourraient bien être la face visible d’une machinatio­n. Aux dires de Christian Constantin, les décisions de l’arbitre ont des conséquenc­es chiffrable­s pour le FC Sion puisque, si j’ai bien suivi son raisonneme­nt, elles ont privé son équipe de la victoire dans un match à six points qui aurait permis un reposition­nement au classement pour se relancer dans la course aux phases préliminai­res de la Ligue des champions, hypothéqua­nt ainsi les chances du club d’accéder aux phases de groupe de cette Ligue des champions et annihilant tout espoir d’atteindre les phases à éliminatio­ns directes avant de retrouver le FC Barcelone en finale en mai 2017, et quand on sait qu’ils ne perdent jamais les finales…

Christian Constantin a un sens de la mise en scène presque aussi affûté que le président de la Confédérat­ion ou que les attaquants de Young Boys. Dans une vidéo postée sur la page Facebook du club, le boss du FC Sion énumère une série d’éléments troublants dans un style qui n’est pas sans rappeler les théories du complot. Il termine sa présentati­on en promettant une récompense de 25 000 francs à toute personne qui apporterai­t un témoignage permettant de faire la lumière sur cette affaire. On se croirait au Far West, et d’ailleurs on y est. Je ne suis ni juriste, ni arbitre, mais je ne suis pas certain qu’on puisse légalement s’appuyer sur un témoignage obtenu en échange d’une somme d’argent. Le Valaisan nous explique aussi que la corruption existe dans le football. Sans blague. Ses mots résonnent dans toute la vallée. Je ne dis pas ça pour Constantin, mais dans la bouche d’un autre illuminati du coin, ce genre de paroles passerait pour des aveux.

Le premier élément probant de cette «enquête» est déjà apparu. On avance que le juge de ligne aurait des problèmes de vue. De toute façon, c’est presque à espérer, parce que c’est difficile de juger le hors-jeu. On demande l’impossible aux arbitres. J’ai peut-être des problèmes de vue moi-même, mais je ne vois pas comment on peut demander à quelqu’un d’avoir les yeux au même instant sur le départ du ballon et la position du joueur qui va le recevoir tout en se situant sur la même ligne que les joueurs qui se déplacent vite, à part Walter Samuel. Ce serait peut-être même préférable, pour juger le horsjeu, d’avoir des problèmes de vue, genre le mitrailleu­r allemand dans La Grande

Vadrouille. Dans le même esprit par exemple, la notion de faute de main volontaire ou involontai­re paraît difficile à déterminer dans l’absolu. Est-ce bien sérieux de demander à un arbitre de lire dans les pensées d’un joueur?

Constantin n’est pas du genre à se laisser faire. Il a même parlé d’éventuelle­s poursuites judiciaire­s. Ce ne serait pas l a première f ois qu’il actionne la justice terrestre pour des problèmes de foot. Dans le cas d’espèce, Il voudrait faire rejouer le match. Il peut s’appuyer sur un précédent. En 1997, le FC Sion avait fait un match nul en Coupe d’Europe contre le Spartak Moscou, résultat insuffisan­t pour accéder au tour suivant. Le club avait déposé un protêt, mettant pertinemme­nt en cause la taille des buts qui étaient t rop petits ( d’a il leurs à l’époque, l’avocat du club n’était autre que Gianni Infantino, notre tout frais président de la FIFA). Le match avait été rejoué sur un autre terrain et Sion avait perdu 5 à 1. Comme quoi, parfois, il vaut mieux avoir les buts plus petits que la gueule.

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NATHANAËL ROCHAT

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