Tour(s) de verre(s)
Evidemment, c’est intrigant. S’agit-il d’un totem pour alcoolique repenti? D’une installation de chimiste ou d’une sculpture contemporaine? De deux verres et trois soucoupes? Un seul verre et un miroir? Delphine Burtin cultive l’ambiguïté. C’est sa marque de fabrique. Pour la deuxième édition photographie du Temps, elle livre un tirage tout en reflets. «J’ai essayé d’amener mon univers dans une seule image. Avec les deux précédentes séries, j’avais travaillé sur la notion d’accident de la vue et sur l’objet photographié qui devient une sculpture en soi. Ce travail réunit ces deux idées», souligne l’artiste.
Pour obtenir une vue «qui ne se laisse pas comprendre du premier coup», elle songe à utiliser du verre et des miroirs. Comme souvent, elle glane les objets qui deviendront sa matière première dans l’accumulation de son atelier, l’ancienne serrurerie Marti située au coeur de Lausanne, partagée avec une dizaine de personnes. Un lieu inspirant, encore garni de ses vieilles machines de fonte, murs de béton brut, meubles vintage et aquarium multicolore. «J’ai posé deux miroirs sur une table, sur lesquels j’ai construit une sorte de sculpture en déséquilibre avec un verre et deux soucoupes trouvés dans la cuisine. Je voulais induire une tension, l’idée que tout pouvait se casser la figure d’un instant à l’autre.»
Delphine Burtin a tiré elle-même les cinquante exemplaires de cette édition spéciale. «Pour moi, la photographie ne s’arrête pas à la prise de vue. Le choix du papier et la manière de montrer le tirage participent de l’oeuvre», estime la jeune femme. Pour les lecteurs du Temps, elle a choisi un papier Hahnemühle 100% coton et conseille d’encadrer le tirage sans laisser apparaître de blanc. Perfectionniste, elle verrait bien un cadre noir autour de sa photographie Sans titre.