La nostalgie Trabant

Ils s’en donnent à coeur joie. Eurythmics, Tears for Fears et bien sûr le si regretté David Bowie, dont les «Modern Girl» et «China Girl» claquent comme des drapeaux dans les airs agités, tendus, de l’époque. Montrée par Canal+ et sortie ces temps en DVD, Deutschland 83 se passe, comme de juste, en 1983. Année de l’apogée de la crise des euromissiles, lorsque les Américains, présidés depuis trois ans par Ronald Reagan, disséminent une centaine de Pershing II en Europe de l’Ouest, afin de tenir la dragée militaire haute face à l’URSS.

A Berlin-Est, Martin (Jonas Nay) vit avec sa mère, malade, qui a besoin d’une greffe d’un rein. La tante et soeur travaille avec les services d’espionnage. Martin, qui devient Moritz, est envoyé à l’Ouest pour se faire assistant d’un officier de l’Allemagne fédérale. Son dévouement devrait accélérer la montée de la mère dans la liste d’attente des greffes.

Martin/Moritz découvre l’Occident, ses supermarchés débordants, ses militaires cachottiers, ses stratégiques institutions berlinoises et bruxelloises. Ses violences aussi, les contraintes de l’exercice, jusqu’à la mort d’une jeune femme qu’il a courtisée pour la cause, secrétaire d’un analyste de l’OTAN.

Les créateurs Anna et Joerg Winger excellent à évoquer cette époque devenue si lointaine. Les déchirements de générations, entre des parents droits dans leurs bottes de Guerre froide et une jeunesse aspirant à un futur pacifique, écoeurée par l ’escalade des missiles, s’ajoutent aux manoeuvres d’espions et de dirigeants en tout genre. Sans oublier les conflits de doctrines et d’allégeances.

A l’image de l’Ostalgie qu’a connue l’Allemagne, cette nostalgie des années Trabant et de l’esthétique grisâtre façon République démocratique, Deutschland 83 fait vibrer des cordes new wave chez les quadras et plus. C’est une madeleine post-punk, un retour au tempo d’«In the Air Tonight» – tiens donc, ce morceau que Phil Collins réédite ces jours. La nostalgie, parfois, est toujours bien ce qu’elle était.