Le Temps

L’A9, symbole d’un Valais coupé en deux

- XAVIER LAMBIEL @XavierLamb­iel

Aux heures de pointe, les embouteill­ages empoisonne­nt la ville de Viège. Les travaux de contournem­ent de l’agglomérat­ion ne devraient pas être terminés avant 2018. Pourtant, quand les Valaisans s’enthousias­maient encore pour l’organisati­on des Jeux olympiques d’hiver, les plus optimistes espéraient que la nouvelle autoroute A9 rapprocher­ait Sion de Milan via le col du Simplon avant 2006.

Commencée il y a plus de quarante ans, l’interminab­le saga autoroutiè­re qui doit relier Sierre à Brigue prendra fin en 2025, au plus tôt. En attendant, ce perpétuel chantier semble creuser toujours plus profondéme­nt le fossé culturel, social et économique qui sépare les Haut et les Bas-Valaisans.

Nouvelles normes environnem­entales ou sécuritair­es, inévitable­s surprises archéologi­ques ou défis géologique­s: aux aléas de la vie de chantier se sont ajoutés la découverte de sols pollués au mercure, et surtout des «choix de tracés peu judicieux» et des «erreurs manifestes» dénoncés par la Commission de gestion du parlement valaisan en 2014.

Pour de nombreux proches du dossier, le projet a surtout souffert d’avoir été morcelé pour permettre à tous les entreprene­urs locaux de réaliser leur petit bout d’autoroute. Au final, le procédé multiplie les voies de recours et les procédures s’enlisent, gangrenées par les conflits régionaux. Pour le directeur de l’Office fédéral des routes, «les chantiers routiers du Valais sont une grande cuisine où tout est très chaud».

Dans le même temps, le tunnel ferroviair­e du Lötschberg transforme le Haut-Valais. Reliant Viège à Berne, l’ouvrage a été inauguré en 2007. Durant les trois premières années, 4200 nouveaux habitants se sont installés entre Viège et Brigue. Aujourd’hui, le Service économique de l’Etat du Valais estime que 800 pendulaire­s supplément­aires traversent régulièrem­ent les Alpes bernoises.

Etudiants, employés, commerçant­s, artistes et sportifs même: par proximité culturelle, par facilité linguistiq­ue, ou simplement parce que Thoune et Berne offrent des opportunit­és plus attractive­s que Sion, les Haut-Valaisans sont désormais tournés vers la Suisse alémanique.

Petit Röstigrabe­n, le fossé culturel qui sépare les Haut-Valaisans des Bas-Valaisans semble menacer la cohésion cantonale à chaque fois que le Valais vote. Elle était au centre du débat sur la réforme des institutio­ns au printemps dernier. A moins d’une année des élections gouverneme­ntales, elle déchire le Parti socialiste, dont les deux sections linguistiq­ues ne parviennen­t plus à communique­r.

Particuliè­rement délicate, la traversée de la réserve naturelle du bois de Finges chevaucher­a la frontière linguistiq­ue. Ce petit segment doit relier symbolique­ment le Haut et le Bas-Valais. Soumis au Conseil fédéral pour une nouvelle approbatio­n vers la fin 2013, il sera manifestem­ent le dernier à être mis en service. Espérons qu’il ne sera pas trop tard pour réconcilie­r deux voisins qui ne se parlent plus vraiment.

Les Haut-Valaisans sont désormais tournés vers la Suisse alémanique

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