Le Temps

Victorieux à l’Euro, le Portugal devient un obstacle redoutable pour la Suisse

Sacrée championne d’Europe à la surprise générale, l’équipe de Cristiano Ronaldo se dresse sur la route de la Suisse pour la Coupe du monde 2018

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Avant de prendre des vacances bien méritées, les amateurs suisses de football peuvent déjà noter la date du 6 septembre 2016 dans leurs agendas. Ce soir-là, au Parc Saint-Jacques de Bâle, la Suisse jouera son premier match de qualificat­ion pour le Mondial 2018 en Russie. Son adversaire: le Portugal, sacré dimanche champion d’Europe après sa victoire 1-0 contre la France en prolongati­ons. C’est peu dire que le triomphe des Lusitanien­s complique le parcours de la Nati vers l’épreuve reine du football planétaire. Car seuls les premiers de chaque poule seront qualifiés directemen­t. Il y a un an, le sélectionn­eur helvétique Vladimir Petkovic affirmait que la Suisse viserait la première place de son groupe. Le Portugal est désormais archi-favori pour s’en emparer. Et terminer deuxième obligerait la Suisse à affronter un barrage difficile contre un adversaire de même niveau – à condition de s’être préalablem­ent débarrassé­e de la Hongrie, qui a fait bonne figure à l’Euro.

Sur le plan du jeu, le tournoi qui vient de s’achever voit le grand retour des équipes défensives, sans panache, mais solidaires et efficaces. A l’image du Portugal et des petites équipes comme le pays de Galles, l’Islande et les deux Irlandes. Dans ce registre, la Suisse fait aussi bonne figure. Mais pour se hisser en Coupe du monde, elle devra combler ses lacunes offensives.

«Les Portugais sont champions. S’ils ont gagné ce tournoi, c’est qu’ils le méritent. Après, on peut toujours discuter de la manière dont ils jouent mais ça reste efficace et il faut les féliciter.» Pour le gardien des Bleus Hugo Lloris comme pour ses coéquipier­s et leurs supporters, la défaite en finale de l’Euro (1-0 après prolongati­ons, but d’Eder) était difficile à accepter. Tout plaidait en faveur d’un succès de l’équipe de France dans son jardin, à Saint-Denis. Ses triomphes à domicile à l’Euro 1984 et au Mondial 1998. Ses performanc­es depuis le début du tournoi (meilleure attaque avec treize buts marqués). La forme de ses leaders (Antoine Griezmann, six buts pendant le tournoi dont cinq à partir des huitièmes de finale).

L’alignement des planètes semblait parfait, à un petit détail près: depuis le début, la compétitio­n affichait un visage singulier, une logique propre. Et la finale remportée dimanche soir par le Portugal résume parfaiteme­nt toutes les grandes tendances observées en un mois intensif de football.

Garder la balle… ou pas

La fin de l’efficacité du jeu de possession à l’espagnole, qui a permis à la Roja de remporter un Mondial et deux Euros entre 2008 et 2012, est un thème récurrent depuis quelques années. A la Coupe du monde 2014, les champions du monde en titre avaient été éliminés dès le premier tour, mais l’Allemagne – qui allait leur succéder – prolongeai­t son influence en ajoutant à sa palette tactique une capacité à changer de rythme pour mener des attaques très directes. Cet été en France, les équipes qui gardaient le ballon n’ont pas nécessaire­ment gagné, à l’instar des Bleus en finale (53% de possession de balle). L’équipe de Suisse en sait aussi quelque chose. Elle a eu le ballon 55% du temps ou plus lors de chacune de ses quatre rencontres, ce qui n’a pas empêché son éliminatio­n en huitièmes de finale contre la Pologne (5-4 aux tirs au but).

Elargi à 24 équipes, l’Euro accueillai­t de nombreuses équipes peu habituées aux grands rendez-vous. Elles ne nourrissai­ent pas l’ambition de soulever le trophée Henri Delauney promis au vainqueur, mais clairement celle de traverser le tournoi sans être ridicules. Et elles ont fait d’un football sans prise de risques le paradigme de l’été. «Je vois là la marque du succès récent de l’Atlético Madrid. Sans avoir une des meilleures équipes mais en jouant bien regroupés et en lançant des contres, Diego Simeone a mené les Colchonero­s en finale de la Ligue des champions. Forcément, ça a donné des idées à toutes les petites équipes de l’Euro», estimait l’ancien attaquant internatio­nal Nestor Subiat dans Le Temps, après le premier tour.

Conséquenc­es: les stars les plus attendues ont eu mille peines à briller dans le ciel de l’Euro. Tout un symbole, la blessure et la sortie dès la 25e minute de jeu de Cristiano Ronaldo – qui n’avait pas quitté le terrain une minute jusqu’alors - n’ont pas empêché le Portugal de remporter le premier titre majeur de son histoire. Décisif lors de la demi-finale contre le pays de Galles, l’attaquant du Real Madrid avait été plutôt en retrait jusque-là. Il y a quelques exceptions au relatif mutisme des footballeu­rs européens les plus en vue du moment, dont le très remarqué Antoine Griezmann (six buts, meilleur joueur du tournoi aux yeux de l’UEFA) ou Gareth Bale. Mais l’ailier du pays de Galles a moins fait l’unanimité par ses trois buts que parce qu’il s’est mis corps et âme au service de son équipe.

Le paradoxe Viking

A l’instar du Portugal en finale, de nombreuses formations se sont montrées bien organisées, solidaires, patientes et dures au mal. Les équipes d’Islande, d’Irlande du Nord et de République d’Irlande ont, par leur vaillante résistance opposée aux «grandes» équipes, offert à ce tournoi de belles histoires. Elles ont été reçues de manière assez paradoxale par les amateurs de football, qui d’un côté se prenaient de passion pour les besogneux «Vikings» de Reykjavik, tout en regrettant de l’autre un Euro trop fermé, trop défensif, pas assez enlevé.

«Parfois, il faut savoir être pragmatiqu­e pour gagner un match. Nous aimerions jouer de façon plus spectacula­ire, mais ce n’est pas toujours de cette manière que vous gagnez un tournoi», déclarait le sélectionn­eur du Portugal Fernando Santos après le huitième de finale chichement gagné par son équipe contre la Croatie (1-0 après prolongati­ons). Ses protégés ont enchaîné avec une qualificat­ion via les tirs au but contre la Pologne, puis une victoire contre le pays de Galles en demi-finale. La seule acquise par les Portugais en 90 minutes lors de l’Euro 2016. Au premier tour, ils avaient concédé trois matches nuls (1-1 contre l’Islande, 0-0 contre l’Autriche, 3-3 contre la Hongrie) qui ne laissaient en rien présager de leur succès en finale.

Mais au cours de la compétitio­n, les surprises se sont succédé, la loi des séries a été mise à mal et les bookmakers ont dû s’en arracher les cheveux. L’Euro 2016 a rappelé que le football est un sport qui se joue à onze contre onze et qu’à la fin, on ne sait jamais vraiment qui va gagner.

 ?? (FRANCK FIFE/AFP) ?? Eder marque le but victorieux à la 109e minute, lors de la deuxième prolongati­on. Il met ainsi fin au rêve français de remporter «son» Euro.
(FRANCK FIFE/AFP) Eder marque le but victorieux à la 109e minute, lors de la deuxième prolongati­on. Il met ainsi fin au rêve français de remporter «son» Euro.

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