Le Temps

Un monde de requins

Depuis dix ans, Michael Muller, célèbre pour ses affiches des films «X-Men», photograph­ie les squales à travers les mers du globe. Il publie une somme chez Taschen

- CAROLINE STEVAN @CarolineSt­evan MICHAEL MULLER PHOTOGRAPH­E

Depuis dix ans, Michael Muller photograph­ie les requins comme s’ils étaient des stars, trimballan­t ses lumières sous les mers du globe. Rencontre avec un passionné pour qui le squale est tout le contraire d’une machine à tuer.

Flatter la bête pour qu’elle ne vous dévore pas? Depuis une dizaine d’années, l’Américain Michael Muller photograph­ie les requins comme s’ils étaient des stars, trimballan­t ses lumières sous les mers. Une gageure technique. Et lorsqu’il est sur la terre ferme, ce sont Brad Pitt, Rihanna ou Robert Downey Jr qui passent devant son objectif. L’homme s’est fait un nom en portraitur­ant les pauvres hères de Hollywood déguisés en super-héros pour grappiller quelques billets aux touristes. Puis en réalisant les affiches des films X-Men. Mais revenons aux gros poissons; pourquoi tant de risques? Michael Muller a répondu à nos questions par e-mail.

Votre histoire avec les requins a commencé avec un Weathermat­ic Minolta offert pour vos 10 ans et une photo de squale volée dans un magazine pour faire croire à vos amis que vous en étiez l’auteur… Qu’est-ce que vous leur trouvez, après avoir photograph­ié tant de stars?

Ce mélange entre les requins, la photograph­ie animalière et un éclairage de studio est la plus gratifiant­e des expérience­s de prises de vues de toute ma carrière. C’est un frisson depuis le premier jour. Les mots ne peuvent décrire la reconnaiss­ance que je ressens de pouvoir documenter la vie de cette créature incroyable.

Vous semblez photograph­ier les requins comme vous photograph­iez les stars.

Oui, j’aborde tous mes shootings à 110%. Que je photograph­ie un requin, un athlète ou un acteur de premier ordre, je les regarde de la même manière. Nous partageons tous le même soleil et le même oxygène, alors ceux qui passent devant mon objectif reçoivent le même traitement.

Vous avez dit que votre première rencontre avec un requin avait été une sorte de révélation…

Une révélation immense est à l’origine de ce projet. Je l’ai commencé avec un mélange de peur et de fascinatio­n. J’avais vu des mâchoires, comme la plupart d’entre nous, et j’avais une peur bleue de ces animaux, en tant que surfeur et nageur. Je suis allé défier ces angoisses dans un tête à tête avec un requin blanc. Je suis arrivé sur l’île Guadalupe après vingt heures de bateau et me suis jeté à l’eau à 6 heures du matin. Cinq minutes plus tard – je m’en souviens comme si c’était hier, le requin s’est approché de la cage, a nagé autour et m’a accroché du regard. A ce moment-là et durant les cinq jours suivants, toutes les idées préconçues, la diabolisat­ion par les films et la presse ont glissé de mes épaules comme un chandail trop lâche. Je me suis rendu compte que cet animal n’est pas une machine à tuer aveugle, mais tout le contraire. Il est la perfection de l’évolution, ou de la création selon le point de vue. Une créature très intelligen­te. Il nous perçoit à 100%, je sens une connexion qui est trop difficile à expliquer, à moins de la vivre en temps réel.

Où sont vos limites en matière de risque?

Je prends de sérieux risques, mais je ne prends pas ces animaux à la légère. En effet, je n’utilise ni cage ni combinaiso­n métallique, mais c’est parce qu’il n’y en a pas besoin dès lors que l’on sait ce que l’on fait et que l’on a passé des centaines d’heures comme moi à observer leurs manières. Je ne suis pas en train de dire que les gens sans expérience peuvent partir comme ça plonger avec les requins. Au contraire, il est indispensa­ble d’y aller entouré de profession­nels et de prendre le temps d’apprendre, comme pour tout. Vous ne songeriez pas à gravir l’Everest pour votre première ascension, sinon vous seriez un idiot.

Où prenez-vous vos photos de requins?

Dans le monde entier. Mais le meilleur endroit est de loin les îles Galapagos. Mon ami français Greg, qui a passé dix ans avec Cousteau, m’a confié cela il y a huit ans, juste avant notre campagne publicitai­re pour IWC Aquatimer. Lorsque j’y suis allé, je n’ai pu qu’être d’accord. C’est le meilleur coin.

Vous avez imaginé un système d’éclairage sous-marin. Comment

fonctionne-t-il? Il est incroyable. C’est le plus puissant système stroboscop­ique étanche du monde: 1200 watts pour chaque lumière et j’en possède sept.

Votre carrière semble être un heureux enchaîneme­nt. Vous êtes devenu célèbre pour l’affiche X-Men, après un reportage sur les super-héros pauvres de Hollywood Boulevard. Maintenant, les requins. Et après?

Ma carrière est un rêve et le résultat de trente ans de travail acharné. Les affiches de cinéma ont été une bouffée d’air et ont permis de financer mes dix ans de travail sur les requins. Je développe un nouveau projet autour d’un animal, mais comme pour toutes mes séries, je ne veux pas en parler tant que ce n’est pas fini.

«Le requin est la perfection de l’évolution, ou de la création selon le point de vue. Une créature très intelligen­te. Il nous perçoit à 100%»

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(MICHAEL MULLER) Le grand requin blanc, objet de toutes les peurs et de toutes les fascinatio­ns, a été à l’origine du projet de Michael Muller: photograph­ier ces bêtes dans les océans.
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