Les vertus de la grenade, ce fruit qui ralentit le vieillissement
La grenade permet la revitalisation des muscles vieillissants, d’après une étude de l’EPFL. Une piste naturelle pour garder la forme au fil des années
Jambes lourdes, douleurs au dos, nuque rigide: il ne fait pas bon vieillir! C’est alors qu’on se met à croire aux vertus magiques des jus de grenades, des noix et du thé vert. Et si ces remèdes de grand-mère fonctionnaient vraiment? Des scientifiques lausannois viennent en tout cas de démontrer le pouvoir anti-vieillissement du jus de grenade, dans une étude parue dans l’édition du 12 juillet de la revue Nature Medicine.
Les petits fruits rouges comme les grenades et les baies sont réputés êtres des «super-fruits» en raison des molécules appelées ellagitanines qu’ils contiennent naturellement. Ces substances posséderaient des propriétés antioxydantes qui protègent l’organisme. Un effet que les scientifiques n’avaient toutefois pu prouver jusqu’alors.
Dans leur étude, les chercheurs ont démontré que les ellagitanines n’avaient pas d’effet direct sur l’organisme. Par contre, une fois digérées par les microbes intestinaux, elles produisent une nouvelle substance appelée urolithine A (UA). Intéressés par les pouvoirs potentiels de cette seconde molécule, les scientifiques l’ont donnée à manger à des vers, puis à des souris.
Perte de tonus
Ils ont alors observé une augmentation de la tonicité musculaire chez les vers. De plus, leur durée de vie s’est vue rallongée de 60%, passant de vingt à une cinquantaine de jours. Réalisant ce même test sur des souris âgées, ils découvrent que leur motricité augmente de 40% en seulement deux semaines.
Comment une molécule naturelle peut-elle ralentir le vieillissement? Pour fonctionner, les tissus musculaires ont besoin d’énergie, produite dans les cellules par de petits compartiments appelés mitochondries. Mais avec l’âge, ces usines énergétiques s’épuisent et deviennent moins productives. S’observe alors une perte du tonus musculaire ainsi qu’une augmentation des difficultés liées à la mobilité. Le rôle de l’UA est d’éliminer les mitochondries usagées, permettant à la cellule de maintenir son rendement énergétique.
En effet, une cellule possède plusieurs mitochondries. Lorsqu’un organisme est jeune, il existe un cycle de régulation naturel entre élimination des vieilles mitochondries et création de nouvelles. Avec l’âge, cette régulation est moins perfectionnée et de nombreuses «usines» dysfonctionnelles restent dans les cellules, abaissant le rendement d’énergie cellulaire. L’UA, en éliminant les mitochondries usagées, rétablit ce cycle naturel comme si l’organisme n’avait pas vieilli.
Profiter des bienfaits de la grenade n’est pas pour autant chose aisée. La molécule précurseur permettant la création d’UA lors de la digestion se trouve dans la coque de la grenade, il faut donc la boire en jus et non uniquement manger les graines. Par ailleurs, la transformation du produit de la grenade dépend de la composition de la flore intestinale: certaines personnes ont un microbiote intestinal qui favorise la production d’UA alors que d’autres n’en produiront que très peu.
Doses finement calibrées
Johan Auwerx, un des auteurs de l’étude à l’EPFL, explique: «Nous avons synthétisé de l’UA avant de la mettre directement dans la nourriture des vers et des souris.» La molécule ingérée par les animaux n’est donc pas une molécule qu’ils ont produite eux-mêmes lors de leur digestion. «Il n’y a pas de biais possible, la molécule de synthèse que nous avons créée est exactement la même que l’UA au naturel», poursuit le chercheur.
Selon Bernard Thorens, du centre intégratif de génomique à l’Université de Lausanne: «C’est une belle étude qui montre les effets bénéfiques d’extraits de plantes.» Quant à Christian Neri, du département de la biologie du vieillissement à l’Université de Paris-Seine, il estime que «cette étude suggère qu’une molécule naturellement produite par l’organisme à partir de fruits pourrait protéger le muscle contre le vieillissement, en améliorant le contrôle qualité des composantes musculaires».
La molécule aura-t-elle les mêmes effets régénérants chez l’être humain? Pour Ann Kato, du Département des neurosciences fondamentales de l’Université de Genève, «peut-être que l’UA pourra être utilisée comme une thérapie chez les personnes âgées avec une fragilité ou une faiblesse musculaire conduisant normalement à l’invalidité, à l’hospitalisation et au décès». Patrick Aebischer, président de l’EPFL ayant participé à l’étude, explique que «des tests sont actuellement en cours sur des personnes âgées ayant des maladies liées à des dégénérescences musculaires».
La société Amazentis, partenaire de l’étude, a conçu ces produits afin d’administrer des doses finement calibrées d’UA. La molécule étant naturelle, l’évaluation de sa toxicité éventuelle n’a pas besoin d’être aussi poussée qu’avec des molécules pharmaceutiques. Optimiste, Johan Auwerx conclut: «D’ici deux à trois ans nous auront des résultats liés au protocole mené sur les humains.»