L’avenir de la Reitschule se jouera dans les urnes
Le centre de culture alternative est sous le feu des critiques depuis que des émeutes à ses abords, en mars, ont fait onze blessés parmi les policiers
La Reitschule claque la porte. Haut lieu de la scène culturelle alternative à Berne, le club suspend ses activités «jusqu’à nouvel avis», en guise de protestation. Sur sa page Facebook, la Reitschule refuse de porter la responsabilité des «problèmes sociaux» qui se sont «cristallisés» sur le pas de sa porte. Et accuse les «politiques ratées de la Ville et de la Confédération» en matière de sécurité, de drogue, d’asile et de jeunesse d’être à l’origine de ces nuits mouvementées.
C’est le dernier épisode d’une saga qui oppose le club aux autorités. Le conflit s’est ouvert au printemps. Dans la nuit du 5 au 6 mars, la police se rend sur le site de la Reitschule pour mener une action contre le deal aux abords du club. Les agents sont reçus par une manifestation qui vire à l’émeute, lorsque des individus, dont certains sont juchés sur le toit du bâtiment, lancent des pierres sur les forces de l’ordre. Les heurts font onze blessés parmi les policiers et déclenchent à Berne un incendie politique qui n’est pas près de s’éteindre. Aussitôt, le Conseil municipal décrète des mesures de sanctions et gèle – temporairement – les subventions accordées au centre culturel.
Trop peu aux yeux de l’UDC locale, qui souhaite depuis longtemps voir fermer cette scène alternative dont il fustige la proximité avec les milieux d’extrême gauche. Les émeutes de mars ont offert une tribune aux opposants de la Reitschule, qui venaient tout juste de faire aboutir une initiative visant la fermeture du lieu. Ce texte, porté par Erich Hess, 35 ans, président des jeunes UDC bernois, exige que le canton coupe dans les subventions de la Ville, si elle héberge sur son territoire une organisation qui représenterait une «menace à l’ordre public».
Critiqués pour leur tolérance à l’égard de militants violents, les responsables du centre culturel sont aujourd’hui sous pression. Ce n’est pas nouveau: la Reitschule a déjà survécu à cinq initiatives visant sa fermeture. A chaque fois qu’ils ont été amenés à voter sur l’avenir du club, les Bernois lui ont manifesté leur soutien. Or, la prochaine fois, ce ne seront pas les habitants de la ville qui décideront, mais la population du canton. La Reitschule survivra-t-elle à un nouveau plébiscite?
Le conflit fait partie de l’histoire du lieu, né dans la foulée des mouvements contestataires de la scène autonome, dans les années 1980. D’abord occupé, il s’est peu à peu installé dans la légalité. Depuis une douzaine d’années, la Reitschule fonctionne avec l’aide financière de la Ville, qui met à disposition gratuitement le bâtiment – dont le loyer est estimé à 319000 francs annuels – et verse 60000 francs par an pour les frais d’exploitation. Voilà une trentaine d’années que la Reitschule propose concerts, expositions, films, théâtre ou lectures publiques à public hétéroclite, surtout jeune.
Le parlement bernois a renouvelé son soutien à la Reitschule fin mai en reconduisant le contrat de prestation noué avec le centre culturel, qui prévoit un financement, au total, de 1,5 million de francs pour les années 2016 à 2019. En contrepartie, les autorités exhortent les responsables à améliorer la sécurité dans le périmètre du bâtiment. Un rapport de la police faisait état, pour l’année 2015, de 42 menaces ou violences à l’égard de policiers, 107 plaintes pour bruit et relève la présence quotidienne de dealers aux abords du club.
La Ville mise sur le dialogue pour apaiser les lieux: depuis plusieurs années, cinq à six discussions ont lieu chaque année entre les responsables du centre et les autorités. A la suite des émeutes de mars, l’exécutif à majorité rose-verte a renforcé cette stratégie, appelant à la rescousse l’avocat et ancien juge fédéral Hans Wiprächtiger comme médiateur. Sous l’égide de l’homme de loi, une demi-douzaine de rencontres ont eu lieu entre les responsables de la Reitschule et des représentants de la police cantonale, au cours des deux derniers mois.
«Le dialogue se poursuit malgré la fermeture des lieux», assure de son côté le porte-parole de la Ville, Walter Langenegger. Les réactions pleuvent depuis sur la page Facebook de la Reitschule, entre les adeptes qui déclarent leur soutien inconditionnel au centre autonome et ses détracteurs, qui appellent de leurs voeux «la fin du théâtre».
La Reitschule a déjà survécu à cinq initiatives visant sa fermeture