Le Temps

L’Eurofoot, succès convalesce­nt

En France, les prévisions sécuritair­es catastroph­iques ne se sont pas réalisées. Les retombées économique­s sont quant à elles bien réelles

- RICHARD WERLY @LTWerly

Anne Hidalgo a eu raison de s’obstiner. Même si des accès de violence près du Champ-de-Mars et des Champs-Elysées ont terni, dans la nuit de dimanche à lundi, la fin de l’Eurofoot, (la tour Eiffel est restée fermée lundi), les fan-zones géantes de la mairie de Paris ont été un succès. Affluence record. Belles images de liesse lors de la victoire des Bleus face à l’Allemagne jeudi soir. Et, surtout, spectacle d’une capitale capable de retrouver la joie après le séisme terroriste du 13 novembre 2015, malgré l’imposant quadrillag­e policier imposé par l’état d’urgence en vigueur jusqu’au 26 juillet. «On nous promettait le pire, sourit un collaborat­eur du coordinate­ur sécurité durant la compétitio­n pour le compte du Ministère de l’intérieur, le préfet Ziad Khoury. Au final, le pays a tenu bon et la passion populaire a pu s’exprimer.» Un argument assuré d’être avancé pour valoriser la candidatur­e de Paris aux Jeux olympiques de 2024, sur lesquels une décision interviend­ra en septembre 2017.

Coté chiffres, la version officielle de cet Eurofoot 2016 a été donnée lundi par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, étonnammen­t absent des stades lors des matches. 1550 interpella­tions, 59 condamnati­ons à des peines de prison ferme ou avec sursis, 64 reconduite­s à la frontière et 32 refus d’accès au territoire durant le mois de compétitio­n. L’expulsé le plus emblématiq­ue aura été l’ultranatio­naliste russe Alexandre Chpryguine, renvoyé dans son pays une première fois après les débordemen­ts entre hooligans russes et anglais à Marseille le 11 juin, puis de nouveau arrêté à Toulouse alors qu’il était clandestin­ement revenu en France. Les autorités ont réitéré ce week-end qu’elles n’avaient pas «échoué» face au hooliganis­me, soulignant le bon fonctionne­ment de la coordinati­on policière européenne dont le QG se trouvait en Seineet-Marne. Un bilan à mettre toutefois en rapport avec l’impression­nant déploiemen­t des forces de sécurité: plus de 110000 personnes mobilisées, toutes catégories confondues (policiers, gendarmes, agents de sécurité privés et militaires) autour des dix stades dans lesquels se sont déroulés les matches.

Durée de séjour prolongée

Sur le plan économique et touristiqu­e, l’impact est plus aléatoire. Interrogé par Le Temps lors d’une entrevue matinale avec la presse lundi, le ministre des Finances, Michel Sapin, a parlé d’un gain attendu de «0,1%», pour un taux de croissance annuel toujours prévu pour s’établir autour de 1,5% en 2016. Plusieurs instituts de conjonctur­e estiment à 1,3 milliard d’euros le volume de dépenses effectuées durant la compétitio­n, dont 400 millions par l’UEFA qui l’organisait (transports, consommati­ons, logistique). Le Ministère du tourisme s’est, pour sa part, félicité d’une durée moyenne de séjour en France des fans supérieure aux prévisions: un mois environ contre deux semaines anticipées. Les capacités hôtelières limitées de villes comme Lens et Saint-Etienne ont affiché complet lors des rencontres, tandis que dans les métropoles bien mieux dotées, comme Lille ou Marseille, le taux d’occupation a atteint 30% de mieux qu’en temps normal à pareille époque.

«La France reste convalesce­nte après le 13 novembre. Mais l’Euro a démontré qu’elle est bien en voie de rétablisse­ment», a poursuivi le ministre des Finances, Michel Sapin. Point important, alors qu’une délégation du comité JO 2024 conduite par son président Bernard Lapasset s’apprête à se rendre à Rio: la confrontat­ion sociale avec la CGT et les syndicats opposés à la réforme du Code du travail, et les grèves à répétition jusqu’à fin juin, n’ont empêché aucun match de se tenir. Les navettes de bus pour remplacer les métros bloqués ont fonctionné, et les consignes de l’UEFA d’arriver en avance ont été respectées. Mieux, sourient certains observateu­rs: la crainte de ne pas pouvoir se déplacer d’une ville à l’autre, et les complicati­ons logistique­s, auraient incité de nombreux fans à prolonger leur séjour. Le premier syndicat français s’est d’ailleurs félicité du bon déroulemen­t de la compétitio­n. Point noir, néanmoins: une partie des supporters helvètes et polonais n’ont pas pu, le 25 juin, assister au match Suisse-Pologne à Saint-Etienne, bloqués dans les trains de la SNCF. Ils attendent toujours d’être dédommagés.

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