L’Eurofoot, succès convalescent
En France, les prévisions sécuritaires catastrophiques ne se sont pas réalisées. Les retombées économiques sont quant à elles bien réelles
Anne Hidalgo a eu raison de s’obstiner. Même si des accès de violence près du Champ-de-Mars et des Champs-Elysées ont terni, dans la nuit de dimanche à lundi, la fin de l’Eurofoot, (la tour Eiffel est restée fermée lundi), les fan-zones géantes de la mairie de Paris ont été un succès. Affluence record. Belles images de liesse lors de la victoire des Bleus face à l’Allemagne jeudi soir. Et, surtout, spectacle d’une capitale capable de retrouver la joie après le séisme terroriste du 13 novembre 2015, malgré l’imposant quadrillage policier imposé par l’état d’urgence en vigueur jusqu’au 26 juillet. «On nous promettait le pire, sourit un collaborateur du coordinateur sécurité durant la compétition pour le compte du Ministère de l’intérieur, le préfet Ziad Khoury. Au final, le pays a tenu bon et la passion populaire a pu s’exprimer.» Un argument assuré d’être avancé pour valoriser la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, sur lesquels une décision interviendra en septembre 2017.
Coté chiffres, la version officielle de cet Eurofoot 2016 a été donnée lundi par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, étonnamment absent des stades lors des matches. 1550 interpellations, 59 condamnations à des peines de prison ferme ou avec sursis, 64 reconduites à la frontière et 32 refus d’accès au territoire durant le mois de compétition. L’expulsé le plus emblématique aura été l’ultranationaliste russe Alexandre Chpryguine, renvoyé dans son pays une première fois après les débordements entre hooligans russes et anglais à Marseille le 11 juin, puis de nouveau arrêté à Toulouse alors qu’il était clandestinement revenu en France. Les autorités ont réitéré ce week-end qu’elles n’avaient pas «échoué» face au hooliganisme, soulignant le bon fonctionnement de la coordination policière européenne dont le QG se trouvait en Seineet-Marne. Un bilan à mettre toutefois en rapport avec l’impressionnant déploiement des forces de sécurité: plus de 110000 personnes mobilisées, toutes catégories confondues (policiers, gendarmes, agents de sécurité privés et militaires) autour des dix stades dans lesquels se sont déroulés les matches.
Durée de séjour prolongée
Sur le plan économique et touristique, l’impact est plus aléatoire. Interrogé par Le Temps lors d’une entrevue matinale avec la presse lundi, le ministre des Finances, Michel Sapin, a parlé d’un gain attendu de «0,1%», pour un taux de croissance annuel toujours prévu pour s’établir autour de 1,5% en 2016. Plusieurs instituts de conjoncture estiment à 1,3 milliard d’euros le volume de dépenses effectuées durant la compétition, dont 400 millions par l’UEFA qui l’organisait (transports, consommations, logistique). Le Ministère du tourisme s’est, pour sa part, félicité d’une durée moyenne de séjour en France des fans supérieure aux prévisions: un mois environ contre deux semaines anticipées. Les capacités hôtelières limitées de villes comme Lens et Saint-Etienne ont affiché complet lors des rencontres, tandis que dans les métropoles bien mieux dotées, comme Lille ou Marseille, le taux d’occupation a atteint 30% de mieux qu’en temps normal à pareille époque.
«La France reste convalescente après le 13 novembre. Mais l’Euro a démontré qu’elle est bien en voie de rétablissement», a poursuivi le ministre des Finances, Michel Sapin. Point important, alors qu’une délégation du comité JO 2024 conduite par son président Bernard Lapasset s’apprête à se rendre à Rio: la confrontation sociale avec la CGT et les syndicats opposés à la réforme du Code du travail, et les grèves à répétition jusqu’à fin juin, n’ont empêché aucun match de se tenir. Les navettes de bus pour remplacer les métros bloqués ont fonctionné, et les consignes de l’UEFA d’arriver en avance ont été respectées. Mieux, sourient certains observateurs: la crainte de ne pas pouvoir se déplacer d’une ville à l’autre, et les complications logistiques, auraient incité de nombreux fans à prolonger leur séjour. Le premier syndicat français s’est d’ailleurs félicité du bon déroulement de la compétition. Point noir, néanmoins: une partie des supporters helvètes et polonais n’ont pas pu, le 25 juin, assister au match Suisse-Pologne à Saint-Etienne, bloqués dans les trains de la SNCF. Ils attendent toujours d’être dédommagés.