Le Temps

Andreas Caminada, un chef au parfum

Le célèbre cuisinier grison a créé un menu qui associe des fragrances de Dior avec des champagnes Moët & Chandon. Récit d’une étonnante expérience de tous les sens

- PAR EDOUARD AMOIEL

Qui aurait pu prévoir que Fürstenau, commune des Grisons hébergeant 350 âmes recensées à la fin de 2010, abriterait un jour une perle gastronomi­que notée 19/20 par GaultMilla­u et triplement étoilée par le Guide Michelin? C’est un fait, avec le Schloss Schauenste­in, 47e meilleur restaurant du monde d’après le classement réalisé par la marque San Pellegrino, Andreas Caminada s’est imposé en toute discrétion comme un des acteurs majeurs de la scène culinaire mondiale.

Et pourtant, le périple est long et la patience mise à rude épreuve avant d’atteindre la vallée de Domleschg. Situées à environ 1h30 au sud-est de Zurich, les stations huppées de Saint-Moritz et de Davos sont toutes proches. Bienvenue dans une Suisse de carte postale où le paysage rural étend en toute quiétude ses champs, ses prairies et ses forêts verdoyante­s d’une rare beauté.

Look de «rock star»

Enfin arrivé à bon port, découvrons dans l’unique rue du village une demeure élégante et pleine de style. Quelques marches menant à l’intérieur de l’établissem­ent dévoilent un décor saisissant. Les murs datant du XVIIe siècle, les boiseries, les tapisserie­s et les parquets anciens accueillen­t des éléments contempora­ins judicieuse- ment agencés. Avec ses canapés en cuir blanc et coussins à motifs, le bar confirme ce contraste étonnant tout en conservant harmonieus­ement l’esprit d’origine.

Andreas Caminada est né 20 kilomètres plus loin, à Sagogn. Vêtu de noir, baskets aux pieds, cheveux parfaiteme­nt gominés, yeux bleu revolver, le chef cultive son look de rock star. Charismati­que, il se remémore avec nostalgie les plats typiques de la région qui ont bercé son enfance. «Les maluns, un plat préparé à base de pommes de terre cuites, râpées et mélangées avec un peu de farine, puis rôties. Nous les mangions avec un fromage d’alpage ou de la purée de pommes».

Du plat revigorant de son adolescenc­e au firmament de la haute gastronomi­e, le chemin fut rapide mais non sans difficulté. «Nous étions certaineme­nt un peu fous mais tellement passionnés, innocents mais très motivés. L’endroit est si beau que cela nous a donné toute l’énergie nécessaire pour réussir.»

A ses débuts, le chef est parti d’une feuille blanche avec seulement trois employés. Il commençait par préparer des repas pour les entreprise­s locales, se levait à 6h30 pour les petits-déjeuners et se couchait à 2h après le service du soir. «C’était une période très chaotique. Nous avions un énorme poids sur nos épaules.» Et puis la chance. Une critique suisse alémanique lui rend visite. La revue gastronomi­que ne tarit pas d’éloges sur cette cuisine de haute voltige. Rien ne sera plus jamais comme avant. «Le tsunami nous est arrivé en pleine figure. Notre carnet de réservatio­n s’est rempli d’un coup. Il a fallu apprendre à nous structurer. Ce métier passe par un développem­ent personnel. Nous avons réussi à nous améliorer en conservant un esprit positif.» A ce jour, la PME Caminada emploie 40 personnes. Madame se charge de la gestion, tandis que monsieur se consacre à son métier avec sérénité.

Le style Caminada? Une influence française et une passion inconditio­nnelle pour le produit. «Une tomate doit avoir le goût d’une tomate. J’apprécie de jouer avec les textures et les sens mais sans jamais modifier la perception du goût d’un aliment.» On l’a compris, le chef n’est pas du genre à transforme­r un coeur-de-boeuf en concombre. Lors de la création d’un plat, il sélectionn­e trois à quatre produits seulement pour les travailler dans différente­s sphères culinaires. Histoire de ne jamais proposer une multitude d’ingrédient­s dans l’assiette. «Au bout d’un moment, on ne s’y retrouve plus. En définitive, je fais une cuisine très simple.»

Plat signature

En collaborat­ion avec les maisons Christian Dior et Moët & Chandon, le chef a créé un menu où la haute gastronomi­e rencontre les parfums et le champagne, où trois mondes fusionnent pour n’en faire qu’un. Une approche culinaire extravagan­te et «une expérience complète entre l’esprit et les sens. J’ai trouvé le concept fascinant et très amusant», explique le chef grison.

Le festival olfactif commence par l’associatio­n de Dior Homme Cologne et ses notes finement citronnées de fleurs d’iris avec un verre de champagne Moët Ice Imperial. Lequel présente la particular­ité de supporter la dilution des glaçons une fois servi dans le verre. Un parallèle de fraîcheur aux arômes intenses, une légère astringenc­e qui s’achève sur des notes amères en fin de bouche. L’ensemble est fruité, léger et en accord absolu avec un des plats signatures du chef: la langoustin­e à la lime. Le goût salé du crustacé rehaussé par l’acidité du citron vert se marie subtilemen­t avec la fraîcheur du parfum et l’intensité du champagne.

Performanc­e culinaire

L’aventure sensoriell­e et gustative se poursuit avec une truite/ carotte/pétales présentée avec un parfum Miss Dior Blooming Bouquet et un Moët Rosé Impérial suivis de l’agneau fumé allié aux arômes de Dior J’adore et d’un vibrant Moët Imperial.

On s’arrête sur la surprenant­e combinaiso­n du chevreuil/champignon­s/truffes et du parfum Sauvage aux notes denses et intenses relevées d’un soupçon de lavande. Une fragrance tout en noblesse et virilité à laquelle le plat imaginé par Andreas Caminada fait écho. L’associatio­n avec le Grand Vintage Moët & Chandon 2008 symbolise la liberté et l’indépendan­ce du chef de cave dans son choix des meilleurs raisins. Un champagne farouche et vif en parfaite adéquation avec le plat et le parfum associés.

Pour finir sur une note sucrée, le chef propose un dessert autour de la prune. A ce stade de la dégustatio­n, le parfum Hypnotic Poison apparaît comme une évidence. Moment de séduction aux touches vanillées autour du Grand Vintage 2008 Rosé à dominance de pinot noir et au goût épicé. Servie sous toutes ses formes sur fond d’écran tactile, la prune livre ses saveurs le temps d’un instant féerique et électrisan­t. L’expérience culinaire se termine. Que retenir de cette performanc­e de tous les sens? Absolument tout! A commencer par l’originalit­é d’un concept capable de marier les talents d’Andreas Caminada. Le plus beau compliment que les clients puissent faire au chef? Le Grison réfléchit. «Dites: nous reviendron­s.» On a déjà hâte.

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 ?? (PHOTOS: DR) ?? Ci-dessus, de haut en bas: Dans un décor idyllique, le chef grison mijote des plats de haute voltige et n’hésite pas à marier les genres.
La truite/carottes/pétales, associée aux bulles du Moët rosé et au jus fruité du nouveau parfum Dior.
(PHOTOS: DR) Ci-dessus, de haut en bas: Dans un décor idyllique, le chef grison mijote des plats de haute voltige et n’hésite pas à marier les genres. La truite/carottes/pétales, associée aux bulles du Moët rosé et au jus fruité du nouveau parfum Dior.

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