Quand la nostalgie de son ex-conjoint parasite le couple
Certaines personnes sont prises de nostalgie en pensant à un ancien conjoint, jusqu’à l’installer sur un piédestal. Une manière pour le cerveau de montrer nos propres failles
On l’a quitté, ou il m’a quitté pour d’excellentes raisons. Cette vie à deux était devenue insupportable, on le sait bien. «Je crois que je ne t’aime plus, ta peau est du papier de verre sous mes doigts», chantait Cali. Pourtant, malgré les soirées glauques, les heures à tenter de recoller les morceaux, certaines personnes sont poursuivies pendant des années par une idéalisation de leur ex-conjoint. Même en ayant soi-même pris la décision de la séparation.
«Je l’ai quitté, car la situation était impossible, témoigne Sylvie*. L’éloignement géographique, la différence d’âge, nous n’étions pas dans les mêmes étapes de vie. Des années plus tard, j’ai recommencé à rêver de lui. Je me disais que c’était l’homme de ma vie, que j’avais peut-être fait une bêtise. J’étais célibataire et ne trouvais personne qui me convenait. J’ai mis quinze ans à tourner la page!»
Lucien*, lui, a vécu treize ans avec une femme. Un quotidien qu’il qualifie aujourd’hui de «génial», alors qu’il l’avait quittée et qu’il vit une nouvelle relation stable. «Parfois je la revois et je suis nostalgique. Je dois me dire: «Calme-toi, repense à ce qui te tapait sur le système!» Il m’arrive encore de regretter.» Une idéalisation qui pourrit régulièrement les moments passés avec sa conjointe actuelle, et qui se manifeste par des impatiences de sa part ainsi qu’un refus de se remettre en ménage. «Tu cherches le meilleur de la personne avec qui tu es, tout en pensant au meilleur de celle avec qui tu étais auparavant. C’est beaucoup d’exigences!»
Pour Anouk Truchot, thérapeute de couple à Yverdon-les-Bains et animatrice de stages Imago, «si une certaine idéalisation est saine, elle devient pathologique quand on a besoin de l’autre pour combler des manques, pour s’aimer soi-même. Cela ressemble à une fuite. Mais que fuit-on exactement? Il faut se poser la question: dans quelle réalité n’ai-je pas envie de rentrer?» Pour elle, l’idéalisation se cristallise souvent autour d’un aspect précis.
Certains idéaliseront le début romantique d’une relation (et auront tendance à changer de partenaire tous les deux ans pour éviter la réalité, celle où l’on est moins shooté à l’hormone PEA!), d’autres focaliseront sur l’image socialement très valorisée de la famille – dans ce cas, rompre la relation c’est rompre un idéal. D’autres encore porteront aux nues un trait de caractère ou un statut social qu’ils ont considéré comme extraordinaire chez leur ex.
La manière dont le cerveau se jette dans le gouffre serait souvent liée à nos failles psychologiques. Ce que l’autre nous a apporté est venu, le temps de la relation, combler un manque. Un fonctionnement qui engendre le besoin de l’autre pour remplir ce vide, et qui se répétera fatalement, tant que l’on n’aura pas identifié cette faille profonde.
«Il faut tenter de percevoir ce que l’on a trouvé de si fantastique en celui que l’on idéalise, et choisir, en tant qu’adulte, de l’intégrer pour soi-même. Si l’autre a réveillé ou comblé quelque chose en nous, à nous d’explorer ces aspects, seul!» Problème relevé par Anouk Truchot: le chemin du détachement prend du temps, or «nous passons souvent trop vite d’une personne à l’autre, sans se poser les bonnes questions».
Celui qui reste accroché au souvenir embelli d’un ex-conjoint doit-il en parler à son nouveau partenaire? La réponse penche vers le non. «C’est comme si l’on introduisait une troisième personne dans la relation. En revanche, il faut travailler sur soi pour se rendre disponible à la nouvelle relation et pouvoir s’engager dans la réalité de celle-ci.» Malheureusement, pas de bouée de sauvetage à laquelle s’agripper. Le fait d’idéaliser est un fonctionnement lié à l’enfance. Et «quitter l’idéal, c’est entrer dans le monde adulte. Il faudrait arrêter d’être l’enfant qui a besoin d’être nourri et se dire: «Je peux me nourrir moi-même.»