Le Temps

Objectif 2020 pour les voitures autonomes

Le constructe­ur Ford a annoncé cet été qu’il comptait mettre des véhicules autonomes sur les routes d’ici à cinq ans. Les nombreux autres projets en cours ont un horizon similaire. Et peut-être trop ambitieux

- LOÏC PIALAT, SAN FRANCISCO

Ce n’est pas encore l’heure de ranger votre permis de conduire. La voiture autonome a des millions de kilomètres à faire avant d’arriver dans votre garage même si Nissan (ProPilot 3.0), Toyota (un milliard de dollars d’investisse­ments), Mercedes-Benz (Drive Pilot), PSA (Paris-Bordeaux sans toucher le volant dans une Citroën C4) ont tous avancé dans leurs recherches. Dernier constructe­ur à avoir annoncé ses ambitions: Ford. La marque américaine promet pour 2021 une flotte de voitures sans volant, sans pédale et sans chauffeur destinées au «ride-hailing» type Uber.

Uber, justement, a été l’un des animateurs de l’été. La start-up la plus valorisée du monde (68 milliards de dollars) a racheté pour 680 millions de dollars Otto, une société qui développe un système d’automatisa­tion des poids lourds. Surtout, la firme de Travis Kalanick et Volvo ont mis en commun 300 millions de dollars pour faire circuler dans les rues de Pittsburgh une centaine de SUV XC 90 autonomes.

Se passer de chauffeurs

«Plus d’un million de personnes meurent dans des accidents de voitures chaque année», a commenté le patron d’Uber. «Ce sont des tragédies que le pilotage automatiqu­e peut contribuer à éviter; mais nous ne pouvons pas le faire seuls», a-t-il ajouté. La sécurité n’est pas sa seule ambition. La technologi­e permettrai­t de se passer de chauffeurs.

Le rapprochem­ent d’Uber et Volvo illustre une tendance de fond dans cette industrie naissante: l’alliance entre la Silicon Valley et le secteur automobile. D’un côté, la maîtrise technologi­que, de l’autre, le savoir-faire.

Ford vient par exemple de racheter les start-up Spatial, HAAS Alert et Cargo. En mai, General Motors, qui a déjà investi 500 millions de dollars dans Lyft, a déboursé environ un milliard de dollars pour Cruise Automation, une structure travaillan­t sur un système de pilotage automatiqu­e. Fin juin, BMW a officialis­é un partenaria­t avec Mobileye et Intel. Même Google n’envisagera­it plus de construire seul sa Google Car qui en est à 2,8 millions de kilomètres parcourus. C’est ainsi qu’a été interprété­e l’arrivée d’un ancien de Hyundai USA à la tête du projet.

Une iCar pour Apple?

Une entreprise a la surface financière pour travailler seule: Apple. Les rumeurs évoquent un «projet Titan». L’idée d’une iCar qui révolution­nerait l’automobile comme l’iPhone a changé les télécommun­ications a de quoi séduire. Mais Tim Cook a douché les enthousias­mes. «Vous vous souvenez quand vous étiez enfant et de l’excitation du réveillon de Noël parce que vous ne saviez pas ce que vous alliez trouver en bas des escaliers?» aurait déclaré le PDG d’Apple lors d’une réunion d’actionnair­es. «Eh bien, le réveillon va durer un moment.»

Pour Steven Shladover, spécialist­e des transports à l’Université de Berkeley, l’autonomie va rester relative bien au-delà de l’échéance 2020-2021 vendue par les constructe­urs. L’interactio­n totale avec l’environnem­ent – les autres véhicules, les piétons – exige des capteurs, une intelligen­ce artificiel­le, des plans intégrés en 3D d’une précision largement supérieure à tout ce qui se fait de mieux actuelleme­nt.

Le Michigan pionnier?

«Dans certains cas, les voitures ne rouleront que sur autoroute, dans une fourchette de vitesse réduite, avec une météo favorable et sur des routes enregistré­es avec précision mais le conducteur aura toujours besoin de prendre le volant pour entrer et sortir de l’autoroute ou en cas de mauvaises conditions météo», explique au Temps le professeur de l’université californie­nne. «Dans d’autres cas, les voitures rouleront à vitesse très basse dans des quartiers urbains bien délimités.»

La technologi­e est un défi. La réglementa­tion en est un autre. Sept Etats américains autorisent des tests de voitures autonomes. La Californie a déjà délivré une quinzaine de permis. General Motors essaie ses Chevrolet sur les routes de l’Arizona. Mais pour l’instant, tous ces Etats imposent la présence d’un volant, de pédales et d’une personne sur le siège conducteur.

Le Michigan, ravagé par la délocalisa­tion de l’industrie automobile, pourrait être le premier à assouplir sa législatio­n. Derrière cette bienveilla­nce, il y a l’espoir, comme Pittsburgh avec Uber, de relancer son économie. Un rapport du bureau d’analyse IHS Automotive prévoit 21 millions de voitures autonomes sur les routes en 2035.

«Le pilotage automatiqu­e peut contribuer à éviter les milliers de morts par accidents recensés chaque année» TRAVIS KALANICK, PATRON D’UBER

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(DR) La voiture autonome de Volvo. Le constructe­ur automobile s’est associé avec Uber pour faire circuler ses véhicules dans les rues de Pittsburgh.

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