Le Temps

La Chine s’est lancée dans la course

- FRÉDÉRIC LELIÈVRE, HONGKONG @FL_HK

Plusieurs projets de voitures autonomes ont été lancés et les autorités créent les conditions-cadres pour faire émerger ce secteur

La dernière initiative est venue de Shenzhen. En août, les autorités locales ont annoncé vouloir faire de la ville un hub mondial pour l’industrie des véhicules autonomes. Une banque y a promis 10 milliards de yuans (1,5 milliard de francs) d’investisse­ment d’ici à 2020 en faveur de l’innovation dans ce domaine.

Cette initiative vient compléter plusieurs projets lancés par les groupes privés chinois depuis moins d’une année. Le plus avancé est probableme­nt celui de Baidu. Fin 2015, le géant d’Internet a commencé à tester à Pékin une voiture autonome, à partir d’un modèle BMW. Cet été, il a signé un accord avec une société touristiqu­e de Wuzhen, dans l’est du pays, pour développer un service de véhicules sans conducteur entre les hôtels et le centre historique de la ville. Baidu n’en reste pas là. Il vient d’obtenir l’autorisati­on de tester ses voitures autonomes en Californie. S’il respecte son plan de développem­ent, le groupe chinois produira ses véhicules autonomes à la chaîne d’ici à 2020.

Des concurrent­s

Il n’y a pas que Baidu. Au printemps de cette année, deux modèles autonomes du constructe­ur Changan ont parcouru les 2000 kilomètres entre Chongqing, au sudouest, et Pékin. Au même moment, LeEco, un autre géant du Web, a lui aussi montré sa voiture sans conducteur.

«Les constructe­urs chinois sont sérieux dans leur ambition de construire des véhicules autonomes, abonde Wolfgang Bernhart, spécialist­e du secteur automobile auprès du cabinet de conseil Roland Berger. Nous avons vu des prototypes accomplir quelques parcours avec succès. Cependant, amener ces voitures à un niveau où elles seront vraiment utilisées sur la route est 1000 fois plus compliqué. Pour le moment, les sociétés occidental­es ont beaucoup d’avance. Malgré tout, c’est une longue course. L’industrie mondiale n’a parcouru que les premiers kilomètres de ce marathon.»

Plusieurs atouts

La Chine possède plusieurs atouts. «Dans l’étude que nous avons menée en 2015 auprès de 1200 personnes dans chaque pays, 50% des Chinois souhaitaie­nt utiliser une voiture autonome contre 25% des Américains, observe Wolfgang Bernhart. C’est probableme­nt parce que les Chinois, en particulie­r dans les villes, sont beaucoup plus enthousias­tes à propos des nouvelles technologi­es.»

Autre carte à jouer, la taille du marché automobile, soit le plus grand au monde avec 24,6 millions de véhicules vendus en 2015, contre 17,2 millions pour le numéro deux, les Etats-Unis. Ces derniers vont prendre la pole position du marché des voitures autonomes, avec plusieurs milliers d’unités en 2020, et atteindre 4,5 millions d’unités d’ici à 2035, prévoir IHS Automotive, un consultant. La Chine prendra le train en marche, mais pourrait atteindre déjà 5,7 millions de ce type de voitures en 2035 également.

Dernier atout, les décisions de l’Etat «peuvent y être prises bien plus facilement que dans les pays occidentau­x», complète Wolfgang Bernhart. D’autant plus que Pékin «s’est réellement engagé à construire une industrie des véhicules autonomes», observe-t-il. Une volonté qui sert un autre but: faire monter en gamme toute l’économie du pays.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland