Le Temps

La présidenti­elle française contaminée par les attentats

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

A sept mois du scrutin, les révélation­s sur le projet d’attentat déjoué et le risque d’une recrudesce­nce des réseaux replongent le pays plus de cinquante ans en arrière, lors de la fin de la guerre d’Algérie

Deux comparaiso­ns, ni l’une, ni l’autre optimistes. Au fil des révélation­s sur le projet d’attentat déjoué à la voiture piégée du 3 octobre dans le Quartier latin à Paris, la réalité de la France «en guerre» fait de plus en plus penser à deux périodes antérieure­s. Première référence: le climat politique des années 1958-1962, lorsque le général de Gaulle fut élu chef de l’Etat (en décembre 1958, par le parlement), sous la menace constante des bombes de l’Organisati­on de l’armée secrète (OAS), en raison de l’opposition armée à l’indépendan­ce algérienne, finalement avalisée par le référendum d’autodéterm­ination du 1er juillet 1962. Seconde référence: les années de plomb 1986-1996, lorsque l’affronteme­nt entre les Groupes islamiques armés (GIA) algériens et le pouvoir se déplacèren­t dans l’Hexagone, frappé le 17 septembre 1986 par l’attentat de la rue de Rennes, puis le 25 juillet 1995 par l’attentat à la station RER Saint-Michel.

«Les attentats, désormais, sont indissocia­bles de la campagne pour la présidenti­elle de mai 2017 qui s’est ouverte vendredi dernier avec le dépôt des candidatur­es pour la primaire de la droite. La terreur planera de fait sur les urnes, qu’on le veuille ou non», reconnaît un cadre du parti Les Républicai­ns. Président sortant de cette formation, Nicolas Sarkozy en fait d’ailleurs le socle de son positionne­ment face à ses rivaux. Il a de nouveau réclamé ce week-end, dans un entretien accordé au Journal du dimanche, la création immédiate d’une cour antiterror­iste, la rétention administra­tive systématiq­ue pour les «individus dangereux soupçonnés de liens avec le terrorisme», et l’expulsion de tout étranger condamné à l’issue de sa peine. Ce qui irait bien au-delà de l’état d’urgence en vigueur depuis les attentats parisiens du 13 novembre 2015. Lequel, vu les annonces de ces derniers jours, pourrait rester en place jusqu’aux deux tours du scrutin, le 23 avril et le 7 mai prochain. Le premier ministre, Manuel Valls, a rappelé de son côté, hier sur Europe 1, «que des projets d’attentats sont déjoués tous les jours».

Le rapprochem­ent avec les deux guerres d’Algérie, celle de l’indépendan­ce et celle des GIA, peut choquer. L’inquiétude ambiante en France n’est, à l’évidence, pas similaire à la peur diffuse qui régnait au début des années 1960, lorsque le pays fut secoué par des dizaines d’attentats commis par l’OAS, et souvent ciblés contre les forces de l’ordre. Mais l’étendue des ramificati­ons islamistes, marquée entre autres par l’apparition ces derniers jours d’un premier commando de femmes radicalisé­es et la complicité d’un mineur, ont de quoi inquiéter. Nées pour la plupart en France, les femmes terroriste­s interpellé­es avaient répondu semble-t-il positiveme­nt aux appels à la tuerie de Rachid Kassim, un ancien éducateur social de Roanne aujourd’hui dans la zone irako-syrienne. Celui-ci, père de trois enfants, se serait radicalisé lors d’un voyage en Algérie, puis il aurait quitté la France en 2012. C’est un de ses «disciples», âgé d’une quinzaine d’années, que les enquêteurs auraient interpellé samedi dans l’est parisien. Très actif sur les réseaux sociaux, Rachid Kassim aurait eu des contacts avec l’auteur du meurtre de policiers à Magnanvill­e en juin, et avec les deux meurtriers du prêtre égorgé à Saint-Etienne-du-Rouvray en juillet.

«Si, comme on peut le penser, de nouveaux réseaux terroriste­s secondaire­s structurés se sont reconstitu­és, nous avons là une force de disruption politique massive», souligne le criminolog­ue Alain Bauer dans Le Figaro. Avec, comme conséquenc­e, la montée en première ligne des sujets sécuritair­es ou des controvers­es comme celle autour du burkini, dans un pays déjà miné par le populisme et le Front national.

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