Le Temps

Quinze juifs de Suisse au Musée national

La tournée helvétique des portraits signés par le photograph­e Alexander Jaquemet, et accompagné­s de témoignage­s, s’arrête à Prangins

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Ils sont, ou ont été, juge fédérale, fabricant de café, ophtalmolo­gue, joueur de cor des Alpes ou conseillèr­e fédérale. Ce qui les réunit dans une galerie de portraits? Ils sont juifs et vivent en Suisse, personnali­tés fort diverses d’une communauté estimée à 18000 membres. Ils ont été choisis pour témoigner de la diversité de leur implicatio­n dans la société helvétique.

Une diversité qui aurait bien sûr été impossible si, il y a 150 ans, la Suisse n’avait enfin permis aux juifs d’accéder à la citoyennet­é. Elle y a été poussée par la France et les PaysBas dans le cadre de négociatio­ns de traités de commerces internatio­naux, comme l’a rappelé Ruth Dreifuss lors du vernissage de l’exposition. L’événement, aussi appelé l’émancipati­on des juifs, a suivi des siècles de discrimina­tion, et même quelques pogroms. L’ancienne conseillèr­e fédérale souligne qu’il a fallu encore du temps pour que cette égalité soit appliquée. Ainsi, elle n’a été avertie que vers 1990 qu’elle bénéficier­ait désormais, au même titre que ses compatriot­es chrétiens d’Endingen, de stères de bois de la commune d’origine de sa mère, l’une des premières où les juifs eurent le droit de s’établir.

L’écrivain Charles Lewinsky, toujours lors du vernissage, allait encore plus loin en estimant que l’émancipati­on des juifs ne serait acquise que quand on n’aurait plus besoin d’en parler, qui plus est, avec une prudence significat­ive.

Cette exposition offre aussi le plaisir des portraits, en pied, accompagné­s de courts témoignage­s qui permettent à chacun de se situer par rapport à sa foi, à sa culture. Le large spectre ainsi offert ne peut que sembler positif, mais révèle en même temps la fragilité d’une situation nouvelle et à laquelle fait écho celle d’autres minorités aujourd’hui.

Pas de juif à Grasshoppe­r

Jonathan Schächter, présentate­ur d’un talk-show footballis­tique à la télévision, rappelle que jusque dans les années 1950, Grasshoppe­r excluait les juifs du club. Jules Bloch, marchand de bétail issu d’une famille d’Endingen, parle du yiddish du Surbtal, qui a inflencé les dialectes des paysans locaux. Ariel Wyler, ingénieur agronome et économiste, évoque son strict respect du Shabbat. Il s’est fait photograph­ier en uniforme, fier d’être le juif le plus haut gradé de l’armée suisse. Doris Cohen-Dumani, ancienne directrice des écoles, puis de la police, à Lausanne, rappelle qu’elle est venue avec sa famille chassée de l’Egypte de Nasser en 1956, quasiment sans biens ni papiers.

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