Un centre écologique qui dérange
Un centre de développement durable, censé sensibiliser la population aux économies d’énergie, est en projet à Ayent, en Valais. Le concept plaît mais pas l’emplacement, un terrain en pleine nature
A Ayent, entre Sion et Crans-Montana, un projet de centre didactique sur l’environnement suscite des oppositions. En cause: son implantation en pleine nature, près d’un étang abritant des espèces sensibles comme le crapaud commun.
Dans la lignée du film documentaire à succès Demain, qui proposait des exemples concrets de solutions aux défis environnementaux du XXIe siècle, les initiatives populaires qui veulent oeuvrer pour un avenir meilleur se multiplient. Dans la commune d’Ayent, en Valais, un centre de développement durable est en projet. Les concepteurs projettent d’éduquer la population aux solutions pratiques et économiquement viables qui peuvent conduire notre société à être autonome en énergie. Si le concept plaît, c’est l’emplacement prévu pour la construction qui fait actuellement débat.
Selon le projet, le centre offrira des formations autant aux étudiants universitaires qu’aux écoliers, des jardins didactiques et de permaculture, un espace muséal interactif et un magasin zéro déchet. Les concepteurs imaginent un bâtiment occupant une surface au sol de 1500 m² et des espaces verts de 5000 m², le tout «harmonieusement intégré dans le paysage», assurent-ils.
Matériaux naturels
Le bâtiment se veut un exemple, autant dans ses démarches de construction que dans le reste de son existence. Construit en matériaux naturels (paille, terre, chaux, bois) et pourvu d’une très bonne isolation thermique, il sera complètement autonome en matière d’énergie et sans aucun raccordement aux réseaux d’eau, égout et électricité. De fait, le centre subviendra lui-même à ses besoins. «Des installations photovoltaïques fourniront de l’électricité, et la filtration des eaux de pluie assurera l’approvisionnement en eau potable», prévoit Victoria Brinkler-Leaney, initiatrice du projet. A cela s’ajoutent des installations solaires thermiques pour produire de l’eau chaude, assure l’ingénieure, expérimentée dans les énergies renouvelables et la physique du bâtiment. Par ailleurs, les besoins en eau seront relativement réduits grâce à l’utilisation de toilettes sèches.
«Le centre servira également de laboratoire expérimental avec ses bâtiments et ses installations, se réjouit Victoria Brinkler-Leaney. Les hautes écoles que sont l’EPFL et la HES-SO Valais-Wallis collaboreront pour la mise en place d’installations expérimentales et de mesures dans le domaine des énergies et des matériaux naturels.»
De plus, les concepteurs du centre de développement durable veulent inciter les visiteurs à utiliser des modes de déplacement écologiques, le vélo ou la marche par exemple. «Nous n’allons pas modifier les routes d’accès», indique l’un des représentants du projet, l’architecte Serge Aymon. Les simples routes agricoles qui mènent au site pourraient cependant être parcourues par des navettes sans conducteur. Ces véhicules électriques autonomes développés par l’EPFL ont déjà roulé dans la ville de Sion, et leurs concepteurs chercheraient à continuer ces essais dans d’autres localités.
Dérangements à minimiser
Comme la construction du centre est prévue sur une zone naturelle, la question de l’impact sur la faune et la flore locales peut être posée. «Comment peut-on faire un projet de ce type se disant «écologique et de développement durable» dans un lieu où les animaux, la flore et la tranquillité sont maîtres? A notre avis, cela va totalement à l’encontre de l’idée première!» peut-on lire sur la page Facebook d’un groupe qui conteste l’emplacement choisi. Ces opposants anonymes se disent persuadés qu’une construction plus proche des bâtiments déjà existants renforcerait la visibilité du centre. Une construction à cet emplacement, même s’il est officiellement qualifié de zone à bâtir d’intérêt public, serait «non compatible avec la loi sur l’aménagement du territoire (LAT)», estiment-ils.
Le lieu-dit Les Velettes, emplacement prévu pour le centre, longe un étang. «Celui-ci ne fait pas l’objet d’une protection particulière, mais est tout de même listé comme site de valeur cantonale», indique Yann Clavien, biologiste au Service des forêts et du paysage (SFP) du canton du Valais. Cette étendue d’eau permet pourtant l’existence d’amphibiens (grenouille rousse, crapaud commun) qui sont, eux, des espèces protégées. En conséquence, l’étang et les zones riveraines devraient être maintenus. «Il faudrait minimiser les dérangements dans ces milieux ou prévoir, le cas échéant, de reconstituer des équivalences», expliquet-il. Directeur d’un bureau d’études en environnement, Alain Maibach renchérit: «Le 80% de son temps, un amphibien est hors de l’étang, dans les bosquets ou les prairies alentour. Ces structures doivent donc être protégées. De plus, il faut penser à préserver les axes de migration entre les lieux d’hivernage et de reproduction.»
Bien conscient du problème, Serge Aymon assure que tout sera fait pour préserver la nature environnante. A cet effet, le SFP valaisan a très vite été contacté pour consultation en 2015, dès les premiers développements du projet. Une étude d’impact préalable devrait donc aider à conserver au maximum les richesses et la beauté du lieu.
A l’heure actuelle, le centre est encore au stade de recherche de financement. Une séance d’information* est prévue mardi à Ayent afin de mobiliser et sensibiliser la population au projet.
* Mardi 13 septembre à 18h30 à la salle de gym de Saint-Romain, Ayent.