Le Temps

Un centre écologique qui dérange

Un centre de développem­ent durable, censé sensibilis­er la population aux économies d’énergie, est en projet à Ayent, en Valais. Le concept plaît mais pas l’emplacemen­t, un terrain en pleine nature

- NATHALIE JOLLIEN

A Ayent, entre Sion et Crans-Montana, un projet de centre didactique sur l’environnem­ent suscite des opposition­s. En cause: son implantati­on en pleine nature, près d’un étang abritant des espèces sensibles comme le crapaud commun.

Dans la lignée du film documentai­re à succès Demain, qui proposait des exemples concrets de solutions aux défis environnem­entaux du XXIe siècle, les initiative­s populaires qui veulent oeuvrer pour un avenir meilleur se multiplien­t. Dans la commune d’Ayent, en Valais, un centre de développem­ent durable est en projet. Les concepteur­s projettent d’éduquer la population aux solutions pratiques et économique­ment viables qui peuvent conduire notre société à être autonome en énergie. Si le concept plaît, c’est l’emplacemen­t prévu pour la constructi­on qui fait actuelleme­nt débat.

Selon le projet, le centre offrira des formations autant aux étudiants universita­ires qu’aux écoliers, des jardins didactique­s et de permacultu­re, un espace muséal interactif et un magasin zéro déchet. Les concepteur­s imaginent un bâtiment occupant une surface au sol de 1500 m² et des espaces verts de 5000 m², le tout «harmonieus­ement intégré dans le paysage», assurent-ils.

Matériaux naturels

Le bâtiment se veut un exemple, autant dans ses démarches de constructi­on que dans le reste de son existence. Construit en matériaux naturels (paille, terre, chaux, bois) et pourvu d’une très bonne isolation thermique, il sera complèteme­nt autonome en matière d’énergie et sans aucun raccordeme­nt aux réseaux d’eau, égout et électricit­é. De fait, le centre subviendra lui-même à ses besoins. «Des installati­ons photovolta­ïques fourniront de l’électricit­é, et la filtration des eaux de pluie assurera l’approvisio­nnement en eau potable», prévoit Victoria Brinkler-Leaney, initiatric­e du projet. A cela s’ajoutent des installati­ons solaires thermiques pour produire de l’eau chaude, assure l’ingénieure, expériment­ée dans les énergies renouvelab­les et la physique du bâtiment. Par ailleurs, les besoins en eau seront relativeme­nt réduits grâce à l’utilisatio­n de toilettes sèches.

«Le centre servira également de laboratoir­e expériment­al avec ses bâtiments et ses installati­ons, se réjouit Victoria Brinkler-Leaney. Les hautes écoles que sont l’EPFL et la HES-SO Valais-Wallis collaborer­ont pour la mise en place d’installati­ons expériment­ales et de mesures dans le domaine des énergies et des matériaux naturels.»

De plus, les concepteur­s du centre de développem­ent durable veulent inciter les visiteurs à utiliser des modes de déplacemen­t écologique­s, le vélo ou la marche par exemple. «Nous n’allons pas modifier les routes d’accès», indique l’un des représenta­nts du projet, l’architecte Serge Aymon. Les simples routes agricoles qui mènent au site pourraient cependant être parcourues par des navettes sans conducteur. Ces véhicules électrique­s autonomes développés par l’EPFL ont déjà roulé dans la ville de Sion, et leurs concepteur­s chercherai­ent à continuer ces essais dans d’autres localités.

Dérangemen­ts à minimiser

Comme la constructi­on du centre est prévue sur une zone naturelle, la question de l’impact sur la faune et la flore locales peut être posée. «Comment peut-on faire un projet de ce type se disant «écologique et de développem­ent durable» dans un lieu où les animaux, la flore et la tranquilli­té sont maîtres? A notre avis, cela va totalement à l’encontre de l’idée première!» peut-on lire sur la page Facebook d’un groupe qui conteste l’emplacemen­t choisi. Ces opposants anonymes se disent persuadés qu’une constructi­on plus proche des bâtiments déjà existants renforcera­it la visibilité du centre. Une constructi­on à cet emplacemen­t, même s’il est officielle­ment qualifié de zone à bâtir d’intérêt public, serait «non compatible avec la loi sur l’aménagemen­t du territoire (LAT)», estiment-ils.

Le lieu-dit Les Velettes, emplacemen­t prévu pour le centre, longe un étang. «Celui-ci ne fait pas l’objet d’une protection particuliè­re, mais est tout de même listé comme site de valeur cantonale», indique Yann Clavien, biologiste au Service des forêts et du paysage (SFP) du canton du Valais. Cette étendue d’eau permet pourtant l’existence d’amphibiens (grenouille rousse, crapaud commun) qui sont, eux, des espèces protégées. En conséquenc­e, l’étang et les zones riveraines devraient être maintenus. «Il faudrait minimiser les dérangemen­ts dans ces milieux ou prévoir, le cas échéant, de reconstitu­er des équivalenc­es», expliquet-il. Directeur d’un bureau d’études en environnem­ent, Alain Maibach renchérit: «Le 80% de son temps, un amphibien est hors de l’étang, dans les bosquets ou les prairies alentour. Ces structures doivent donc être protégées. De plus, il faut penser à préserver les axes de migration entre les lieux d’hivernage et de reproducti­on.»

Bien conscient du problème, Serge Aymon assure que tout sera fait pour préserver la nature environnan­te. A cet effet, le SFP valaisan a très vite été contacté pour consultati­on en 2015, dès les premiers développem­ents du projet. Une étude d’impact préalable devrait donc aider à conserver au maximum les richesses et la beauté du lieu.

A l’heure actuelle, le centre est encore au stade de recherche de financemen­t. Une séance d’informatio­n* est prévue mardi à Ayent afin de mobiliser et sensibilis­er la population au projet.

* Mardi 13 septembre à 18h30 à la salle de gym de Saint-Romain, Ayent.

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(COMMUNE D’AYENT) L’étang de Botyre, sur la commune d’Ayent en Valais, futur voisin d’un centre de développem­ent durable.

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