Le Temps

Christophe Darbellay et le fruit du péché

Christophe Darbellay a avoué avoir eu une relation extraconju­gale, s’en excuse et dit qu’il assumera ses responsabi­lités face à ce bébé d’un soir. Les réseaux sociaux oscillent entre ironie et accablemen­t, tout en se demandant où commence la sphère privée

- MARIE-CLAUDE MARTIN @mcmartin

L’histoire de l’enfant illégitime de Christophe Darbellay agite le Valais et enflamme les réseaux sociaux. Elle pourrait empoisonne­r la campagne du candidat PDC au Conseil d’Etat. Qui se mure dans le silence, en attendant de voir si son mea-culpa suffira à se faire pardonner des électeurs valaisans.

Bien sûr, on ne peut pas s’empêcher de penser que l’affaire tombe au pire moment pour Christophe Darbellay, en lice pour le Conseil d’Etat valaisan en mars 2017, et que ses adversaire­s sauront en tirer profit. Bien sûr, on peut se plaindre de ce virage médiatique qui consiste à faire de la vie privée la matière première des articles les plus consultés. Même la Neue Zürcher Zeitung parle de l’infidélité du Valaisan. Bien sûr, on peut se lamenter de cette nouvelle tyrannie de la transparen­ce qui oblige chacun à raconter ses petits secrets, et aux autres d’en être les témoins dégoûtés.

Mais l’affaire est passionnan­te à plus d’un titre. D’abord parce que «le secret» n’a pas été dévoilé par la «presse-poubelle», mais par Christophe Darbellay lui-même. C’est lui qui, dimanche, a confessé au SonntagsBl­ick être le père d’un bébé né d’une «relation d’un soir», à Berne, en décembre. L’ancien président du PDC dit avoir commis «une grave erreur» (d’autres titres romands ont traduit «einen schweren Fehler» par «lourde faute»). Il s’en excuse auprès de sa femme et de sa famille, et leur demande pardon. Ainsi qu’à ses électeurs.

Mais l’homme assume. Il dit qu’il a reconnu l’enfant et qu’il a réglé, avant même sa naissance, la «prise en charge financière de son entretien». La question de savoir si l’affaire relève de la vie privée ou publique n’est dès lors pas très pertinente. Elle l’est d’autant moins, comme le pensent plusieurs internaute­s, que Christophe Darbellay a présidé durant dix ans le «parti de la famille» et qu’il n’a jamais hésité à se mettre en scène dans les médias, lui et ses proches, comme un modèle à suivre. C’est le fameux «faites ce que je dis, mais pas ce que je fais». L’affaire dans ces conditions devient politique, et ne manque pas de faire rire le Web, toujours prompt à crucifier les tartuffes.

Alors pourquoi avoir passé aux aveux? Probableme­nt pour prendre les devants. Se montrer proactif, devancer la rumeur, jouer le jeu de la transparen­ce, faire son acte de contrition en public, tout cela associe l’icône du PDC à une certaine modernité anglosaxon­ne, où avouer, c’est déjà être pardonné. Pourtant, l’adultère honteux, l’enfant caché, la maîtresse qu’on tient à laisser dans l’ombre et le paternalis­me qui consiste à assumer financière­ment le fruit de sa faute relèvent plutôt d’une logique du XIXe siècle. On se croirait dans un roman de Maupassant, écrit une internaute dans Le petit journal des médias suisses sur Facebook. «Il est né le devine enfant», s’amuse par exemple le photograph­e Philippe Pache.

Enfin, ce qui a beaucoup choqué les internaute­s, c’est le choix des mots. Traiter un enfant de «grave erreur» ou de «lourde faute», surtout venant d’un catholique qui prône la natalité heureuse, n’est pas seulement maladroit, c’est humiliant, blessant: une «lourde faute». C’est penser à son pardon avant de songer à l’avenir de l’enfant. Cette expression rappelle d’ailleurs celle utilisée en 1995 par l’évêque de Bâle, Mgr Vogel, qui avait donné sa démission pour cause de proche paternité. Lui aussi avait parlé d’«erreur». «Il n’est pas plus gracieux de parler d’un coup d’un soir pour évoquer sa maîtresse», signale l’écrivain Jean-Michel Olivier.

Enfin, plusieurs twittos et internaute­s relèvent l’irresponsa­bilité de l’homme politique: quand on ne désire pas d’enfant et qu’on veut protéger sa famille, on pense à mettre un préservati­f. Ce manque de précaution est perçu comme la vraie faute du Valaisan. A moins, ironisent, certains twittos, que Christophe Darbellay suive les préceptes du Vatican, qui en interdisen­t l’usage…

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 ?? (PETER KLAUNZER/KEYSTONE) ?? Christophe Darbellay: pardon à la famille et aux électeurs.
(PETER KLAUNZER/KEYSTONE) Christophe Darbellay: pardon à la famille et aux électeurs.

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