L’initiative AVSplus rate sa cible. Augmentons plutôt le nombre de cotisants
L’initiative AVSplus part d’un bon sentiment: augmenter d’un coup la retraite de base de 10% pour tous. Le pouvoir d’achat de la rente AVS s’étant dégradé avec le temps, la promesse est séduisante. Mais c’est en réalité une fausse bonne idée qui ne profitera que peu à ceux qui en ont le plus besoin. Mieux vaut agir de manière plus globale.
Aujourd’hui, pour une personne qui a cotisé toute sa vie, la rente de base dite du 1er pilier, celle qui est censée assurer sa survie, s’élève à 1175 francs par mois. 10% de plus lui amèneraient 117,50 francs supplémentaires. Sauf que pour les 10% de retraités qui touchent des prestations complémentaires, ce bonus viendrait en déduction de ces dernières. Le seul soulagement serait de sortir du système un peu humiliant des prestations complémentaires.
A l’autre extrémité, un couple touchant la rente maximum encaisserait 352,50 francs de plus. Cette initiative rate donc sa cible: les personnes qui en auraient le plus besoin ne seraient pas celles qui recevraient la plus forte hausse. De plus, on prendrait le risque de financer cela par un déficit de l’AVS accru de 5 milliards de francs d’ici à 2030.
En revanche, je soutiens l’idée du PDC, reprise au Conseil des Etats, voulant accorder une augmentation de 70 francs par mois aux bénéficiaires de l’AVS. Cela permettrait de compenser la baisse du taux de conversion du 2e pilier prévu par Prévoyance 2020. Et de favoriser un aboutissement rapide de cette réforme qui doit pérenniser notre système de retraite.
Je pense que l’on pourrait même envisager une distribution plus ciblée, en accordant par exemple 110 francs par mois aux 20% de retraités les plus modestes et, à l’inverse, en limitant la compensation à 30 francs par mois pour les 20% de retraites les plus élevées. Les petites rentes AVS seraient ainsi réévaluées d’environ 10%, ce qui serait un geste digne.
Plus généralement, il nous faut une approche globale et inscrite dans le long terme. Notre espérance de vie augmente, nous devons trouver des sources de cotisation additionnelles. J’ai déposé trois postulats dans ce sens.
Le premier concerne un allongement flexible de l’activité professionnelle. Prévoyance 2020 offre à ceux qui le souhaitent de pouvoir travailler jusqu’à 70 ans. Ma proposition serait d’étendre cette flexibilité jusqu’à 75 ans et au-delà, bien sûr sur une base volontaire. Ceux qui le souhaiteraient pourraient travailler deux, trois, quatre jours par semaine, bref au rythme qui leur convient. Ces personnes pourraient à la fois percevoir un revenu et une rente partiels, et compléter leurs cotisations AVS. Cela permettrait à celles et ceux qui ont étudié tard, passé plusieurs années à l’étranger, consacré du temps à leurs enfants, de rattraper les années de cotisation manquantes.
Permettre aux seniors de travailler selon leurs rythme et timing aurait des effets bénéfiques pour les entreprises et la société. Au bénéfice d’une formation continue, ils auraient ainsi l’occasion d’endosser un rôle d’accompagnement des jeunes ou de transmission d’expérience. Les réelles capacités des seniors seraient mieux mises à profit et ils se sentiraient utiles.
En complément, il serait intéressant d’étudier l’impact d’une activité volontairement à temps partiel entre 58 et 75 ans sur le dynamisme, le moral, la santé: il pourrait en résulter des effets positifs sur l’absentéisme, les coûts médicaux, la productivité.
Mon deuxième postulat porte sur l’âgisme. A 55 ans, les périodes de chômage sont plus longues, et pendant ce temps, on ne cotise pas à sa retraite. Or, les seniors ont souvent plus à offrir qu’on ne le pense. Mais un a priori négatif à leur égard peut être intériorisé et vécu de manière démotivante. C’est pourquoi nous devons changer notre regard et faire davantage confiance aux seniors.
Le troisième postulat propose que chaque cotisant reçoive un récapitulatif annuel des cotisations et rente correspondante. Cela favoriserait une prise de conscience précoce des questions de retraite y compris pour les parents voulant concilier vie familiale et travail.
Pour toutes ces raisons, je voterai non à l’initiative AVSplus tout en promouvant activement les solutions alternatives mentionnées.
Cette initiative rate sa cible: les personnes qui en auraient le plus besoin ne seraient pas celles qui recevraient le plus