Le Temps

Le personnel indigène pour limiter l’immigratio­n

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Johann Schneider-Ammann fait le bilan des mesures prises pour exploiter au mieux la main-d’oeuvre suisse. Cela permettra-t-il de limiter l’immigratio­n? Non, répond l’UDC

L’instrument privilégié par la majorité des partis pour limiter l’immigratio­n de main-d’oeuvre étrangère est l’utilisatio­n maximale du potentiel offert par les Suisses eux-mêmes. Cette préoccupat­ion ne date pas de l’adoption de l’initiative de l’UDC sur l’immigratio­n. Elle est antérieure: c’est en 2011 que Johann Schneider-Ammann avait lancé un programme d’incitation connu sous le nom d’initiative en faveur du personnel qualifié suisse. Comme le reconnaît le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco), ce programme a néanmoins pris une «importance» nouvelle après l’acceptatio­n de l’initiative populaire en 2014 et à cause du franc fort.

Johann Schneider-Ammann a réuni lundi les représenta­nts des cantons et des partenaire­s sociaux pour constater les progrès réalisés. Plusieurs exemples sectoriels sont cités: augmentati­on des masters en personnel soignant, relance des places d’études en médecine, promotion de la filière de l’apprentiss­age, soutien fédéral de 100 millions pour l’accueil extrafamil­ial des enfants dans le but de mieux concilier travail et famille et de motiver davantage de femmes à prendre une activité profession­nelle.

Ce catalogue doit permettre d’appuyer le concept de préférence indigène à l’embauche souhaité par les cantons et adopté dans une version «light» par la Commission des institutio­ns politiques (CIP) du Conseil national en guise de mise en oeuvre de l’initiative sur l’immigratio­n.

Ce concept peut également se référer aux études effectuées dans le but d’identifier les branches profession­nelles où les besoins peuvent être couverts par la maind’oeuvre indigène et celles où le recrutemen­t de personnel étranger demeure nécessaire. Car cela reste nécessaire: «Certains secteurs souffrent d’une pénurie croissante de personnel qualifié. Nous ne pourrons pas nous passer de maind’oeuvre étrangère», insiste Jean-Michel Cina, président de la Conférence des gouverneme­nts cantonaux.

Une première étude a été menée à Zurich. Une seconde, publiée lundi par le Seco et qui est une actualisat­ion d’un premier rapport de 2009, embrasse 36 domaines profession­nels et 380 métiers sur le plan national. La méthodolog­ie utilisée pour cet indicateur diffère légèrement de celle de Zurich, mais ses conclusion­s sont très proches.

L’étude du Seco confirme que, dans le secteur de la santé, ce sont les médecins et le personnel soignant qualifié qui manquent le plus. Autres univers où le recrutemen­t est difficile: les ingénieurs, les mathématic­iens, les informatic­iens, les métiers du management, les enseignant­s, le personnel technique ainsi que les sciences naturelles. L’étude n’observe en revanche «aucun indice de pénurie dans les métiers commerciau­x et de la vente, ceux de l’agricultur­e ou encore le textile».

Cette approche suffira-t-elle, comme semble le penser la majorité de la CIP, à juguler l’immigratio­n comme le demande l’article constituti­onnel? «L’effet limitatif me semble faible. Cette approche est exclusivem­ent économique. La gauche s’en contente et les représenta­nts de la grande économie s’en accommoden­t. Cette alliance est suspecte. Elle oublie que ceux qui ont accepté l’initiative ont aussi exprimé des préoccupat­ions culturelle­s et identitair­es. Et elle passe la souveraine­té de la Suisse par-dessus bord», critique Jean-Luc Addor (UDC/VS), qui sera au front au Conseil national pour défendre une applicatio­n plus rigoureuse du texte constituti­onnel.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland