Le Temps

Les tensions entre la Suisse et l’UE appelées, hélas, à perdurer

- FRANÇOIS NORDMANN

Le 19 septembre prochain, M. Johann Schneider-Ammann, président de la Confédérat­ion, rencontrer­a à Zurich M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. Ces entretiens permettron­t-ils de réduire les tensions qui existent depuis longtemps entre l’Union européenne et la Suisse? C’est peu probable, hélas.

Aucun des dossiers de négociatio­n ouverts entre les deux partenaire­s n’a réellement progressé depuis 2014. La libre circulatio­n des personnes a donné lieu à de multiples échanges informels depuis dix-huit mois qui devraient déboucher sur une applicatio­n «consensuel­le» des dispositio­ns constituti­onnelles relatives à l’immigratio­n introduite­s par le vote du 9 février 2014.

Mais la position suisse n’est pas encore définie: la Commission des institutio­ns politiques du Conseil national a présenté le 1er septembre dernier un projet de loi de mise en oeuvre qui ne contient pas de règle ouvertemen­t incompatib­le avec l’Accord sur la libre circulatio­n en vigueur.

Des ambiguïtés subsistent cependant. De plus, nombreux sont ceux qui, dans les milieux politiques, doutent que les deux Chambres acceptent telle quelle la propositio­n de la commission. Des parlementa­ires influents annoncent qu’ils chercheron­t à remettre en cause le compromis issu d’une alliance entre libéraux-radicaux et socialiste­s. Le PDC ne s’y est rallié qu’in extremis et du bout des lèvres. Si le texte passe le cap du Conseil national, rien ne garantit que le Conseil des Etats l’acceptera sans modificati­on. M. Schneider-Ammann ne pourra donc donner aucune assurance à cet égard à son interlocut­eur. A supposer que l’Union européenne se montre

accommodan­te de son côté, et admette que la Suisse puisse invoquer la clause de sauvegarde en cas d’afflux de main-d’oeuvre étrangère, elle y met le prix. Elle conditionn­e son agrément à la conclusion d’une autre négociatio­n, plus formelle, qui se poursuit depuis le printemps de 2014 et qui a trait aux questions institutio­nnelles, c’est-à-dire au cadre juridique des relations entre l’UE et la Suisse.

La Suisse s’est engagée dans cette voie sur la base d’un document conjoint Suisse-UE, dans lequel le Conseil fédéral reconnaiss­ait la juridictio­n obligatoir­e de la Cour de justice de l’Union européenne pour le règlement des différends. Par la suite, les négociateu­rs suisses ont tenté d’atténuer le caractère contraigna­nt des arrêts de la Cour, réclamant qu’ils soient soumis à une appréciati­on politique avant exécution. L’UE n’est pas entrée dans ces vues. Aujourd’hui, le monde politique suisse ne veut plus de l’accord institutio­nnel. UDC, PLR, PDC, economiesu­isse estiment qu’il serait impossible

de faire passer en votation populaire le recours à «des juges étrangers». La majorité du Conseil fédéral est aussi de cet avis, et veut renvoyer l’objet au moins jusqu’à la fin de la législatur­e (2019). Le président Schneider-Ammann est bien placé pour l’expliquer à son interlocut­eur. Il peut aussi évoquer la ratificati­on du protocole sur la Croatie, qui lui tient à coeur mais qui dépend du règlement de la question de l’immigratio­n.

Il pourra aussi dire à M. Juncker que la Suisse n’entend pas étendre le bénéfice de la libre circulatio­n à toutes les catégories de citoyens européens (et non plus aux seuls travailleu­rs), comme le souhaite la Commission. Il est vrai que la relance de cette exigence en ce moment précis, pour fondée qu’elle soit, révèle un certain manque de sensibilit­é de la part des instances européenne­s.

Personne n’a intérêt à une rupture entre la Suisse et l’Union européenne. Le Conseil fédéral n’est pas disposé à céder aux demandes de l’UE mais il a intérêt à maintenir les pourparler­s sur l’immigratio­n jusqu’au moment où le Conseil des Etats en débattra, soit en décembre. Pour l’heure, l’objectif du président de la Confédérat­ion sera d’éviter une détériorat­ion des relations entre la Suisse et l’UE.

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