Le Temps

Les cheveux, futur indice policier?

L’analyse du profil des protéines capillaire­s peut aider à identifier un individu, d’après une nouvelle étude

- SANDRINE CABUT (LE MONDE)

Peut-être que, dans l’avenir, il s’en faudra d’un cheveu pour confondre un coupable. Selon des travaux américains publiés dans la revue PloS One, l’analyse du profil des protéines dans un échantillo­n capillaire permet d’obtenir une signature d’un individu. Certes, cette approche protéomiqu­e est encore loin d’atteindre la fiabilité des tests ADN, mais elle pourrait ouvrir de nouvelles perspectiv­es dans le domaine des sciences criminelle­s et de l’archéologi­e. En quelques décennies, les analyses d’empreintes génétiques sont devenues une technique majeure d’identifica­tion. Encore faut-il disposer de prélèvemen­ts exploitabl­es, l’ADN se dégradant sous l’effet de facteurs d’environnem­ent: températur­e, humidité, germes…

Glendon Parker (Université de la vallée de l’Utah) et ses collègues se sont intéressés aux protéines des cheveux, dont environ 300 sont connues. Les protéines sont chimiqueme­nt plus stables et plus résistante­s dans l’environnem­ent que l’ADN, justifient-ils. Les chercheurs ont mené leurs analyses sur trois échantillo­ns de population: soixante Américains d’ascendance européenne, cinq Afro-Américains et cinq Kényans. Ils ont également étudié des cheveux provenant de collection­s archéologi­ques, appartenan­t à six individus ayant vécu en Angleterre aux XVIIIe et XIXe siècles.

Pas prêt pour les tribunaux

Une centaine de marqueurs protéiques pouvant aider à l’identifica­tion d’une personne ont été identifiés. Les performanc­es restent toutefois modestes: chez les Américains d’ascendance européenne, le pouvoir maximal de discrimina­tion de ces analyses est de 1/12 500, et il est plus faible chez les Africains. Des résultats incomparab­les avec ceux des empreintes génétiques, qui permettent d’identifier une personne dans une population de 10 puissance 13 individus. «Avec l’identifica­tion basée sur les protéines, nous sommes au même niveau qu’avec le profilage ADN au tout début de son développem­ent», note le chimiste Brad Hart, l’un des coauteurs.

«Cette méthode permet de faire des identifica­tions humaines, mais peut aussi révéler quelle est l’ancienneté d’un prélèvemen­t, et de quelle région il provient. C’est une découverte excitante, mais qui n’est pas encore prête à être utilisée devant les tribunaux», souligne de son côté Stefano Vanin (Université de Huddersfie­ld, Royaume-Uni), qui n’a pas participé à l’étude, sur le site The Conversati­on. Selon ce biologiste, la tâche principale est maintenant d’accumuler des données sur les protéomes de cheveux partout sur la planète, afin de rendre les analyses beaucoup plus fiables. «C’est une voie de recherche intéressan­te, mais on est très loin d’une applicatio­n en routine», tempère aussi Christian Doutremepu­ich, du laboratoir­e d’hématologi­e médico-légale de Bordeaux.

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