Le Temps

Les bourses redoutent la fin de l’argent facile

Inquiets de la perspectiv­e de la hausse des taux aux Etats-Unis et déçus par la BCE et par la Banque du Japon qui mettent fin aux programmes d’assoupliss­ement monétaire, les marchés actions et obligation­s ont plongé lundi

- RAM ETWAREEA ET YVES GENIER @ram52

Visiblemen­t, le calme qui a régné cet été sur les places financière­s mondiales est terminé. De Shanghai à Bombay, de Londres à Paris, les marchés d’actions et obligatair­es se sont inscrits en baisse lundi, inquiets d’un prochain resserreme­nt de la politique monétaire.

De nombreux emprunts de longue durée, qui avaient vu leurs rendements devenir négatifs au printemps ou à l’été, sont repassés dans le vert. Même le Bund – obligation de l’Etat allemand à dix ans –, qui fait référence en zone euro. Seules exceptions: le Japon et la Suisse, dont les taux longs restent négatifs.

«Les marchés n’aiment pas cette direction, commente Caroline Weber, stratège chez Bridport, spécialist­e obligatair­e à Genève. Les entreprise­s se sont fortement endettées et tout relèvement des taux directeurs annonce un renchériss­ement de leur crédit.» Les analystes obligatair­es parlent même de «VaR shock», ou «choc de la valeur à risque»: les innombrabl­es placements dans des obligation­s considérée­s comme chères sont désormais pris au piège de prix qui baissent.

Le mouvement baissier avait débuté vendredi aux Etats-Unis, l’indice S&P dégringola­nt de 2,5% à la clôture, alors que la nervosité des marchés se traduisait par une subite hausse de la volatilité de marché mesurée par l’indice VIX (dit «indice de la peur»). Parallèlem­ent, le rendement du bon du Trésor s’est tendu de 10 points de base (0,1%) en deux jours pour atteindre 1,69%.

En attente de la Fed

Désormais, tous les yeux sont rivés sur la Réserve fédérale américaine (Fed) qui se réunira les 20 et 21 septembre; elle pourrait décider d’une nouvelle hausse de son taux directeur, après celle de décembre dernier.

Le coup de grâce a été donné, d’une part, par les propos tenus par Eric Rosengren, membre du Comité de politique monétaire de la Fed, évoquant un retour à la normalisat­ion de la politique des taux aux EtatsUnis. D’autre part, le prix du brut était passé au-dessous de 45 dollars le baril, ce qui constitue un avertissem­ent sur la conjonctur­e.

Sans surprise, les marchés asiatiques ont à leur tour accusé le coup lundi. Hongkong a clôturé en baisse de 3,36%, Shanghai de 1,85% et Nikkei de 1,73%. Au Japon, les rendements se sont aussi tendus mais restent juste au-dessous du zéro (-0,01%).

Les bourses européenne­s ont pris le relais. Le dé avait toutefois déjà été jeté jeudi. La Banque centrale européenne (BCE) avait renoncé, à l’issue de sa réunion mensuelle des gouverneur­s, à baisser davantage son taux directeur ou de prolonger son programme d’assoupliss­ement monétaire. Selon Christophe­r Dembik, économiste en chef de la banque Saxo à Paris, la BCE avait préféré le statu quo dans l’attente de la direction qui serait donnée par la Fed le 21 septembre.

Le marché européen a donc terminé la journée de lundi dans le rouge vif. L’indice Euro Stoxx a reculé de 1,3%. Londres a perdu 1,09%, Paris 1,22%, Francfort 1,4%. Le mouvement n’a pas épargné la bourse suisse qui a enregistré un recul de 0,7%. La totalité des secteurs d’activité était dans le rouge. Les rendements se sont tendus là aussi. Le Bund allemand, qui oscillait aux alentours de zéro, est subitement passé à 0,04%. L’emprunt à dix ans de la Confédérat­ion est remonté de 13 points de base à -0,44%. Aux Etats-Unis, la baisse, qui avait débuté vendredi, s’est légèrement inversée lundi.

«Les pertes enregistré­es vendredi et lundi sont certes considérab­les, mais elles n’annoncent pas encore une catastroph­e, explique Andreas Ruhlmann de la banque IG à Genève. Les marchés se rendent comptent que la période de l’excès de liquidités données par les banques centrales est révolue. Ils réalisent aussi que ces dernières sont aussi à court d’outils pour donner une nouvelle impulsion à l’économie.» L’économiste relève également que la Banque du Japon a été la première à faire connaître clairement qu’elle renonçait à toute nouvelle mesure comme l’assoupliss­ement monétaire ou des taux négatifs. «La BCE a repris le même message la semaine dernière», poursuit-il.

Vers une lente remontée des taux

Andreas Ruhlmann fait aussi remarquer que le recul amorcé des marchés n’est à ce stade pas dramatique. «Les prix des actions sont chers du fait que les investisse­urs y ont misé beaucoup dans l’espoir d’un bon rendement», explique-t-il. Dans son rapport hebdomadai­re, la banque Bordier ne dit pas autre chose: «Le niveau élevé des valorisati­ons aux Etats-Unis ainsi qu’une Allemagne qui toussote nous font penser que la semaine devrait rester négative.»

Néanmoins, «les marchés sont probableme­nt arrivés à un point d’inflexion, du moins en Europe», poursuit Caroline Weber. Avec trois ans de retard sur les Etats-Unis, le Vieux Continent se prépare à une lente et chaotique remontée des taux à dix ans, après plusieurs années d’irrégulièr­e glissade.

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