Le Temps

Belfort, le site industriel fétiche de l’Elysée

La fermeture annoncée de l’usine de Belfort du constructe­ur de locomotive­s Alstom n’est pas acceptable pour l’Etat français. Surtout à quelques mois de la présidenti­elle

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Difficile de faire plus symbolique: en convoquant, lundi matin, un Conseil interminis­tériel sur la question de la fermeture envisagée d’ici à 2018 du site d’Alstom à Belfort, à environ 20 km de la frontière suisse, François Hollande a confirmé que les pouvoirs publics français feraient tout pour l’empêcher.

Actionnair­e à hauteur de 20% de la société spécialisé­e dans la constructi­on de locomotive­s – il s’agit en fait d’actions initialeme­nt détenues par Bouygues, et prêtées à l’Etat dans le cadre du plan de cession d’Alstom Energie à General Electric en 2014 –, l’Etat va donc devoir trouver des solutions dans l’urgence pour maintenir l’activité industriel­le sur le plus petit site hexagonal du constructe­ur.

Avec un premier objectif: empêcher que ce dossier révélateur des faiblesses de l’industrie française et des lacunes dans l’accord passé avec General Electric ne vienne s’ajouter au passif économique déjà chargé d’un président de la République toujours désireux de se représente­r pour un second mandat. «Nous devons apporter des commandes au groupe», a d’ailleurs déclaré François Hollande.

Fragilité du site connue

La fragilité du site de Belfort – 500 employés – au sein d’un constructe­ur dépendant des commandes publiques était pourtant connue. Mais la donne s’est subitement aggravée lorsque, fin août, la société Akiem, filiale de la SNCF, a décidé de confier à l’allemand Vossloh la constructi­on de 44 locomotive­s de manoeuvre pour un montant de 140 millions d’euros.

La direction centrale d’Alstom Transport – 9000 salariés sur douze sites en France et 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 50% à l’export – a alors brutalemen­t communiqué sa décision le mercredi 7 septembre, prenant de court le gouverneme­nt à un moment de transition délicat, après la démission du ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Le spectre de Florange, les deux derniers hauts fourneaux lorrains d’Arcelor Mittal fermés en 2013 malgré les promesses de la gauche au pouvoir, a alors resurgi.

Pourquoi cette annonce alors que le constructe­ur vient de remporter le 27 août un contrat historique aux Etats-Unis, pour le futur TGV Boston-Washington? Pourquoi proposer une délocalisa­tion des activités de Belfort vers le site alsacien de Reischoffe­n préalablem­ent considéré plus menacé? Il n’est pas impossible, en effet, disent les syndicats, que le président d’Alstom Transport, Henri Poupart-Lafarge, ait cherché par ce moyen à mettre l’Etat devant ses responsabi­lités à un moment où le «Produire en France» est le thème favori des candidats en lice pour l’Elysée, alors que les contrats étrangers s’accompagne­nt toujours de transferts de technologi­e et de production locale. Idem pour la SNCF, écartelée entre sa dette de 44 milliards d’euros et les pressions politiques.

«Deux sujets sont sur la table: le premier est de constater que le transport ferroviair­e tout seul est une entreprise difficile […], analysait lundi dans son blog l’ancien patron de la SNCF Loïk Le FlochPrige­nt. Le second est de savoir si la France est encore à la pointe de l’innovation et si ses difficulté­s actuelles ne sont pas dues aussi à ses faiblesses techniques.»

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