L’imbroglio du gérant fraudeur de Credit Suisse commence à se démêler
Le procureur Yves Bertossa a levé le séquestre sur trois fonds soupçonnés d’avoir accueilli des avoirs douteux. Les principaux protagonistes restent inculpés, notamment de gestion déloyale
Nouvelle étape dans l’enquête sur l’ancien gérant de Credit Suisse Patrice L., accusé d’avoir fait perdre des centaines de millions de francs à l’ancien premier ministre géorgien Bidzina Ivanishvili. Le procureur genevois Yves Bertossa a confirmé au Temps avoir levé les séquestres sur trois fonds d’investissement suspectés d’avoir accueilli des capitaux appartenant à plusieurs clients du banquier de Credit Suisse.
Patrice L. reste inculpé notamment de gestion déloyale, tout comme trois autres financiers, l’un basé à Genève, l’autre à Zurich et le troisième à Abu Dhabi. Ce dernier n’a pas récupéré sa Rolex, saisie par le procureur durant un interrogatoire organisé en mai.
Les fonds en question – Matterhorn, Hyperion et Mensa – sont gérés par la société financière genevoise Sequoia Asset Management, dont le fondateur a été entendu comme témoin dans ce dossier en juin dernier. Ces trois fonds d’investissement avaient été créés en collaboration avec un ancien dirigeant de la société – le financier genevois qui reste inculpé –, à la demande du banquier de Crédit Suisse Patrice L.
Stratégie gagnante entre 2013 et mi-2015
Selon nos informations, les trois fonds ont été alimentés jusqu’à un maximum de 108 millions de dollars (105 millions de francs), afin d’investir dans des sociétés de biotechnologies notamment. Une stratégie payante puisque les encours gonflent jusqu’à environ 180 millions après des investissements réalisés à partir de 2009. Plus de 70 millions sont retirés des fonds entre 2013 et 2015.
Une importante position est prise dans la société Raptor Pharmaceutical. L’objectif est de rééditer le scénario qu’avait connu une autre entreprise biotech, Intercept, dont l’action était passée de 50 dollars à plus de 450 dollars début 2014 après avoir reçu une autorisation de l’agence américaine du médicament, la FDA.
Mais le scénario ne s’est pas répété avec Raptor, qui travaillait sur le même genre de traitement qu’Intercept, mais ne reçoit pas l’autorisation de la FDA. Son action chute de 16 dollars fin juin 2015 à moins de 6 dollars en septembre et moins de 3,50 dollars en janvier. Occasionnant des pertes et des appels de marge pour les clients du gérant de Credit Suisse. Hasard de l’actualité, Raptor a fait l’objet d’une offre publique d’achat hier lundi par Horizon Pharma, pour 9 dollars la pièce.
Ce dossier est aussi complexe à cause des liens entre les différents protagonistes, qui se connaissent souvent depuis des années, et des confusions possibles entre différentes entités portant des noms similaires. Ainsi, le financier basé à Abu Dhabi gérait un autre compartiment du fonds Matterhorn, distinct de celui confié à Sequoia.
L’homme avait aussi créé des fonds Sequoia Global Investment Limited, sans lien non plus avec la société de gestion genevoise éponyme, mais mentionnés dans le dossier Pearl Gold, du nom d’une entreprise allemande possédant une mine d’or au Mali qui se trouve au coeur d’un scandale impliquant entre autres Airbus.
Auditionné à nouveau fin juin par le Ministère public genevois, cet homme d’affaires reste inculpé de blanchiment notamment.