Le Petit Théâtre, comme un parfum d’évasion
A la tête de l’institution lausannoise, Sophie Gardaz salue les collaborations artistiques qui émaillent sa nouvelle saison pour le jeune public. Et rêve d’espaces à conquérir
Sophie Gardaz a beau diriger Le Petit Théâtre de Lausanne depuis onze ans, elle avoue sans détour que ce que les enfants aiment reste très mystérieux. A l’heure de présenter sa nouvelle saison, l’ancienne comédienne ne livre donc pas de recette pour faire un carton auprès du jeune public qui, par grappes remuantes, foule régulièrement ses terres, à côté de la cathédrale. Aucune potion magique pour ensorceler les enfants, mais des propositions variées, toutes disciplines confondues, car l’essentiel, aux yeux de la directrice, c’est de «leur donner une vision la plus large possible de ce qui peut se faire sur un plateau».
Dégager l’horizon, aiguiser la curiosité. Sophie Gardaz nourrit aussi une autre ambition, née d’une frustration: les artistes sont de plus en plus nombreux à vouloir oeuvrer pour le jeune public et ce dernier est toujours plus demandeur, or l’espace manque pour les accueillir. Et pour offrir aux spectateurs en herbe des ateliers, par exemple, comme le font déjà d’autres théâtres. Délocaliser l’institution? Il n’en est pour l’heure pas question. «Il y a de bonnes vibrations dans ce lieu», confie dans un sourire celle qui préside à sa destinée. Alors peut-être que des travaux de réfection seraient un pas dans la bonne direction. Affaire à suivre.
Escargot et nounou volante
En attendant, Sophie Gardaz se réjouit de constater que les couples de metteurs en scène fleurissent. Le besoin de s’associer autour d’un projet plutôt que de le porter seul de bout en bout «contredit l’individualisme ambiant et atteste de la reconnaissance qu’un spectacle est une oeuvre collective», se félicite la programmatrice.
Parmi ces duos artistiques à l’affiche de la saison à venir, il y a d’abord Yann Mercanton et Nathalie Sandoz, qui adaptent une fable de Luis Sepúlveda, Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur. Le héros de l’auteur chilien n’a rien de flamboyant, une seule chose le distingue pourtant: son obstination à poser des questions… Conteurs, illustrateurs et musiciens donnent vie à Turbolino (en coproduction avec le Théâtre du Pommier, du 28 septembre au 5 octobre, dès 5 ans).
Les interrogations sont aussi au coeur de 1985… 2045, spectacle pour lequel Katy Hernan et Barbara Schlittler ont sondé des dizaines d’enfants sur leur représentation du temps qui passe (en coproduction avec le Théâtre Am Stram Gram). Entre les souvenirs des adultes et les conjectures des plus jeunes, tout un monde! (Du 2 au 20 novembre, dès 7 ans.)
L’air du large
C’est un autre duo, Denis Correvon et Stefania Pinnelli, qui a conçu le «spectacle vedette» de la saison. Miss Poppins propulse la nurse volante dans une famille d’aujourd’hui, où un père qui élève sa fille en solo pèche par excès de gravité. Les effets «supercalifragilisticexpialidocious» ont été confiés au magicien Pierric Tenthorey (du 7 au 31 décembre, dès 6 ans; puis en tournée romande).
L’exil ou le goût de l’évasion n’inspirent pas que les couples à la scène. Julie Annen, qui avait signé une version sensible de La Petite Fille aux allumettes à Am Stram Gram, il y a deux ans, revient avec Boulou déménage – en coproduction avec le Théâtre des Marionnettes de Genève – pour saisir l’émoi d’un petit garçon face à ses cartons… (du 1er au 19 février, dès 5 ans). Un dernier coup de coeur de Sophie Gardaz? La Mer en pointillés, du Français Serge Boulier, qui retrace le périple à vélo d’un homme, à travers l’Europe, pour s’enivrer d’air iodé. Faute de papiers en règle, l’exalté sera refoulé. Primée en 2007 par le Molière du meilleur spectacle jeune public, l’histoire, inspirée d’un fait divers, n’a pas pris une ride (du 25 février au 5 mars, dès 3 ans).