Le Temps

Un Livre blanc pour sauver l’Europe

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

Sonnée par le Brexit, la Commission européenne et son président, Jean-Claude Juncker, publient un document sur l’avenir de l’Europe à 27. A quelques semaines à peine des célébratio­ns du 60e anniversai­re du traité de Rome, il donne l’occasion aux Etats membres de se rappeler «les valeurs» à l’origine du projet européen. Une démarche qui peut sonner comme un ultimatum.

La Commission publie un Livre blanc sur l’avenir à 27. Une démarche qui sonne comme un ultimatum aux Etats membres alors qu’ils célébreron­t le 25 mars les 60 ans du traité de Rome

Jean-Claude Juncker avait mis en garde les Etats membres en 2014: «sa» Commission serait celle de «la dernière chance». Trois ans plus tard, le RoyaumeUni s’apprête à partir et l’Union européenne ne cesse de se débattre avec ses problémati­ques, entre problèmes d’Etat de droit et craintes sur le multilatér­alisme… C’est dans ce contexte plutôt morose que Jean-Claude Juncker a présenté hier devant les membres du Parlement européen son Livre blanc sur l’avenir de l’Union. Un Livre blanc très attendu qui doit donner l’occasion aux Etats membres de se rappeler «les valeurs» à l’origine du projet européen, a-t-il expliqué, et qui sera discuté le 25 mars lors d’un sommet à Rome.

Comment rester ensemble?

Que veulent-ils pour l’Union à 27 et comment pensent-ils pouvoir rester ensemble? C’est cette question très claire que leur pose le Luxembourg­eois, désireux désormais de mettre les pays membres devant leurs responsabi­lités, alors que Bruxelles se retrouve régulièrem­ent accusée de tous les maux. La destinée de l’Union est «entre nos mains», a-t-il averti. Et «il n’y aura pas de meilleur moment que maintenant pour mener ce débat, certes difficile».

Concrèteme­nt, la Commission a soumis aux Etats membres cinq options possibles de développem­ent, sur lesquelles ils sont invités à réfléchir et, dans l’idéal, à trancher d’ici aux élections européenne­s de 2019. Jean-Claude Juncker n’est pas naïf. La semaine dernière, lors d’un discours devant les étudiants de l’Université de Louvain-la-Neuve en Belgique, le président l’a reconnu lui-même, même sur le ton de la blague: l’histoire ne retiendra pas son mandat «comme un très grand succès». Et le président ne veut pas d’un second mandat. Il partira en 2019. Ce Livre blanc constitue donc l’une des ultimes tentatives de Jean-Claude Juncker pour sauver le bloc, même si des sources européenne­s préféraien­t plutôt mardi qualifier cette étape de «certificat de naissance de l’Union à 27».

Après le Brexit, le Luxembourg­eois, fédéralist­e de coeur, sait en tout cas qu’il sera difficile d’aller vers une Union qui met tout en commun, ce qu’il aimerait au fond de lui. Le scénario «tout fédéralist­e» est bel et bien repris dans les options présentées mercredi. Il consistera­it pour les Etats membres à partager plus de pouvoirs, de ressources et mutualiser plus de décisions. Mais il est «l’un des moins réalistes», disent plusieurs sources.

La question de la volonté collective

Sur les cinq voies possibles, la première option serait de continuer sur la lancée actuelle, en légiférant moins mais mieux, la Commission Juncker étant déjà passée à une vingtaine d’initiative­s par an contre parfois près d’une centaine sous Barroso. Les 27 intensifie­raient la lutte contre le terrorisme, la sécurisati­on des frontières et tenteraien­t de parler d’une seule voix dans le monde, mais la question de la volonté collective resterait probableme­nt un obstacle.

«Ou bien on décide de faire demi-tour», a dit Jean-Claude Juncker, et l’Union serait réduite «à une simple zone de libreéchan­ge» uniquement vouée au marché intérieur. Un second scénario dont ne veut absolument pas le président. La troisième piste a le mérite d’être réalisable en acceptant l’idée que certains pays avancent plus rapidement via des noyaux différents, que les autres pourront rejoindre plus tard; cela pourrait ainsi concerner la lutte contre le terrorisme, le système d’asile, le développem­ent des capacités de défense. Mais cette Union-là serait-elle plus lisible pour les citoyens? Jean-Claude Juncker pense qu’elle serait «incompréhe­nsible».

«Faire plus avec moins»

Et le but, «c’est de marcher ensemble à 27». La quatrième piste serait alors d’autoriser les Etats membres à décider ensemble sur un nombre limité de domaines et de redéléguer des compétence­s aux Etats membres. «Faire plus avec moins», selon Jean-Claude Juncker. Sur la défense, la zone euro, le rôle dans le monde, l’Union serait le niveau adéquat. Mais le contrôle des aides d’Etat par exemple serait délégué davantage aux autorités nationales. Comme les nouvelles normes relatives à la protection des consommate­urs, à l’environnem­ent ainsi qu’à l’hygiène et à la sécurité du travail. Ce scénario clarifiera­it le rôle de l’UE mais la première difficulté serait justement de définir ces domaines mutuels…

«C’est aux Etats, aux parlements, aux citoyens» de s’emparer du débat désormais, JeanClaude Juncker espérant qu’une esquisse de projet commun sera prête pour le Conseil européen de décembre. La démarche de Jean-Claude Juncker a en tout cas été globalemen­t bien accueillie hier, même par les euroscepti­ques. D’ailleurs, si Jean-Claude Juncker avait fait preuve «plus tôt de souplesse avec David Cameron, les Britanniqu­es seraient encore certaineme­nt membres de cette UE», a même lancé une élue allemande.

La Commission a soumis aux Etats membres cinq options possibles de développem­ent, sur lesquelles ils sont invités à réfléchir d’ici aux élections de 2019

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 ?? (AP PHOTO/GEERT VANDEN WIJNGAERT) ?? Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, devant le Parlement européen à Bruxelles, le 1er mars 2017. Il l’a reconnu lui-même, sur le ton de la blague: l’histoire ne retiendra pas son mandat «comme un très grand succès».
(AP PHOTO/GEERT VANDEN WIJNGAERT) Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, devant le Parlement européen à Bruxelles, le 1er mars 2017. Il l’a reconnu lui-même, sur le ton de la blague: l’histoire ne retiendra pas son mandat «comme un très grand succès».

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